(New York) Un juge américain a approuvé mercredi le plan de faillite proposé par Purdue, laboratoire accusé d’avoir contribué à la crise des opiacés aux États-Unis, qui a accepté de verser 4,5 milliards de dollars aux victimes et institutions affectées en échange d’une certaine immunité pour ses propriétaires, la famille Sackler.

Le plan avait déjà reçu le soutien de 95 % des créanciers de la société ainsi que de 43 États américains, précise dans un communiqué l’entreprise.

Quelques États avaient encore fait part en juillet de leur opposition au projet présenté par Purdue Pharma en raison des protections juridiques qu’il prévoit pour les membres de la famille Sackler contre d’éventuelles futures poursuites liées à l’entreprise, sauf en cas de faute intentionnelle.

Le procureur de l’État de Washington a déjà annoncé mercredi qu’il ferait appel de la décision du tribunal des faillites.

D’autres États qui s’étaient montrés particulièrement agressifs contre Purdue et ses propriétaires, dont ceux de New York et du Massachusetts, avaient accepté début juillet les propositions d’un médiateur, prévoyant notamment la publication de « dizaines de millions de documents » exposant les dessous de cet immense scandale, notamment les échanges des Sackler avec leurs avocats.

« Aucun accord n’est parfait, et aucune somme d’argent ne compensera jamais les centaines de milliers de personnes qui ont perdu la vie, les millions de personnes qui sont devenues dépendantes ou les innombrables familles déchirées par cette crise, mais ces fonds seront utilisés pour prévenir de futurs décès et dégâts causés par l’épidémie d’opiacés », a souligné mercredi Letitia James, procureure de l’État de New York.

La promotion agressive du médicament antidouleur OxyContin par Purdue, poussée par la famille Sackler qui le savait pourtant très addictif, est considérée par beaucoup comme le déclencheur de la crise des opiacés.

À l’origine de plus de 500 000 morts par overdose en 20 ans aux États-Unis, elle était considérée comme la principale crise sanitaire du pays avant la pandémie.

« Règles différentes pour les milliardaires »

« Au lieu d’années de litiges destructeurs de valeur […], ce plan garantit que des milliards de dollars seront consacrés à aider les personnes et les communautés qui ont été touchées par la crise des opiacés », a affirmé le président du conseil d’administration de Purdue Pharma depuis 2018, Steve Miller.

Mais pour le procureur Bob Ferguson de l’État de Washington, le plan de faillite « permet aux Sackler de se tirer d’affaire en récupérant une immunité permanente contre les poursuites en échange d’une fraction des bénéfices qu’ils ont tirés de l’épidémie d’opiacés ».

De plus, « il relaie l’idée que les milliardaires opèrent selon des règles différentes du reste du monde », déplore-t-il dans un communiqué.

Les membres de la famille se sont engagés à verser 4,32 milliards de dollars en plus de 225 millions déjà payés au ministère de la Justice.  

Or, affirme M. Ferguson, selon un audit versé au dossier fin 2019, les Sackler avaient alors gagné depuis 2008 près de 11 milliards de dollars grâce à Purdue.

La fortune de la famille s’élevait encore fin 2020 à 10,8 milliards de dollars selon le magazine Forbes.

Purdue, les Sackler et l’OxyContin sont devenus les symboles des excès d’une industrie pharmaceutique prête à tout pour engranger des profits.

Le laboratoire Purdue, en cessation de paiement depuis septembre 2019, avait alors plaidé coupable de fraude et violation des droits sur les pots-de-vin, en lien avec sa promotion agressive de l’OxyContin.

L’entreprise en elle-même doit fermer ses portes d’ici 2024 au profit d’une nouvelle entité gérée par un trust : outre la vente d’OxyContin à des fins « légitimes », elle devra fournir, gratuitement ou à prix coûtant, des médicaments anti-overdose et des traitements contre la dépendance aux opiacés.

La crise des opiacés a déclenché une salve de litiges aux États-Unis, visant Purdue et d’autres grands laboratoires ayant vendu des médicaments opiacés, mais aussi les distributeurs, grossistes et pharmacies, et certains médecins prescripteurs.

Le laboratoire Johnson & Johnson et les distributeurs McKesson, Cardinal Health et AmerisourceBergen ont ainsi accepté fin juillet de verser 26 milliards de dollars.