Le temps et la pandémie auront permis aux avocats et négociateurs d’Air Canada de trouver deux failles dans le contrat en vertu duquel le transporteur à la feuille d’érable devait acheter Transat pour 720 millions de dollars. Si la transaction est approuvée, les actionnaires de Transat n’auront maintenant plus que 190 millions à se partager.

Air Canada et Transat ont annoncé samedi une révision de la convention d’arrangement signée il y a maintenant plus d’un an, en août 2019, qui prévoyait un prix de 18 $ par action de Transat.

La nouvelle offre d’Air Canada est maintenant de 5 $ par action. Les actionnaires de Transat auront le choix de recevoir leur contrepartie au comptant ou en actions d’Air Canada, selon un ratio représentant un prix de 17,47 $ pour l’action d’Air Canada. Celle-ci a terminé la journée de vendredi à 16,09 $ à la Bourse de Toronto.

Le prix offert par Air Canada représente une prime de 31,6 % sur le prix moyen pondéré des actions de Transat au cours des 20 derniers jours.

Deux leviers

Depuis le début de la pandémie, la direction de Transat avait à plusieurs reprises assuré qu’il n’y avait aucune façon pour Air Canada de se défaire de la convention d’arrangement et du prix prévu, à 18 $ par action.

Avec le temps, deux puissants leviers de négociation sont toutefois apparus. D’abord, la transaction n’a toujours pas reçu l’approbation des autorités du gouvernement du Canada et de l’Union européenne. L’accord entre les deux entreprises allait venir à échéance le 27 décembre prochain, faute d’avoir obtenu ces autorisations.

« Nous estimons que les modalités révisées offrent aux parties de solides incitatifs à répondre aux préoccupations soulevées par les organismes de réglementation pour obtenir les approbations réglementaires, notamment en ce qui concerne la possibilité d’offrir des mesures correctives, qui devrait augmenter les chances que les organismes de réglementation accordent les approbations nécessaires avant la nouvelle date butoir du 15 février 2021 », a expliqué samedi dans un communiqué le président du comité spécial du conseil d’administration de Transat, Jean-Yves Leblanc.

En termes clairs, Air Canada avait beau jeu jusqu’à présent de refuser tous les compromis proposés par Ottawa et Bruxelles pour répondre à leurs craintes liées à la concurrence. Ce faisant, elle ne leur donnait pas d’autre choix que de refuser la transaction et de la soulager de la facture.

Une motivation plus grande

« La motivation à faire tout ce qui est nécessaire dépend de l’intérêt de l’acheteur à voir la transaction se conclure, et il y a plus de motivation à 5 $ qu’à 18 $ », a prudemment résumé samedi le vice-président aux ressources humaines et aux affaires publiques de Transat, Christophe Hennebelle.

La position de Transat s’est encore affaiblie quand elle a fait le constat que ses liquidités ne tiendraient pas le coup encore très longtemps et qu’il lui fallait emprunter. Or l’entente avec Air Canada exigeait que cette dernière approuve tout nouvel emprunt, une clause normale dans ce type de transaction. L’acheteur avait donc l’occasion de monnayer son approbation.

Le communiqué diffusé par Transat samedi annonce aussi l’obtention d’un nouveau financement de 250 millions, ce qui ne laisse planer aucun doute sur le fait que les deux annonces étaient liées.

« Le nouvel accord a permis d’obtenir le financement », a encore une fois prudemment résumé M. Hennebelle.

La nouvelle entente a été entérinée à l’unanimité par le conseil d’administration de Transat. Les actionnaires devront à leur tour l’approuver lors d’une assemblée spéciale dont la date n’a pas encore été fixée, mais qui devrait être tenue au début du mois de décembre.

Le mariage pourrait être entériné à la fin du mois de janvier ou au début de février, a indiqué Transat.