Dans le contexte de crise permanente des sept derniers mois, le succès spectaculaire de l’inscription de la société montréalaise Nuvei à la Bourse de Toronto, la semaine dernière, revêt un caractère quasi miraculeux, un véritable coup de circuit dans la pandémie.

Nuvei vient de terminer la plus importante émission d’actions par une société technologique de l’histoire de la Bourse de Toronto en réussissant à souscrire plus de 800 millions US de capitaux auprès d’investisseurs avides de participer à la croissance de cette entreprise de technologies de paiement électronique et — bien évidemment — à leur propre enrichissement.

L’entreprise fondée et présidée par l’entrepreneur techno Philip Fayer était valorisée à 525 millions il y a trois ans, lorsque la société d’investissement Novacap et la Caisse de dépôt ont décidé de l’épauler financièrement. Depuis son inscription en Bourse la semaine dernière, Nuvei affiche aujourd’hui une valorisation de 6,6 milliards.

« Quand j’ai approché la Caisse pour investir dans Nuvei, l’objectif était de lui permettre de devenir un joueur de classe mondiale », m’explique Pascal Tremblay, PDG de Novacap, qui a réussi à convaincre d’autres partenaires financiers d’investir un total de 360 millions dans le capital de l’entreprise technologique.

PHOTO FOURNIE PAR NUVEI

L’entreprise montréalaise Nuvei, spécialisée en technologies de paiements électroniques, a réalisé le plus important premier appel public à l’épargne dans le secteur des technologies au pays, la semaine dernière à Toronto.

La Caisse de dépôt a pour sa part acquis une participation de 70 millions dans Nuvei et complété une série de financements par endettement totalisant près de 200 millions au cours des trois dernières années.

Les deux actionnaires financiers ont permis à Nuvei de réaliser pas moins de sept acquisitions aux États-Unis et une autre importante de près de 1 milliard en Europe qui a considérablement élargi la force de frappe de l’entreprise.

« On a créé un joueur technologique d’envergure mondiale qui fait rayonner le Québec partout, et on est là pour rester. L’inscription en Bourse de Nuvei ne visait pas une sortie des actionnaires, mais à rembourser les dettes de l’entreprise et lui permettre de poursuivre son expansion », expose Pascal Tremblay.

À la suite de ce premier appel public à l’épargne, Novacap est toujours le principal actionnaire de Nuvei avec 29 % des actions, le fondateur Philip Fayer en contrôle 27 % et la Caisse de dépôt, 17 %.

Fait à souligner, c’est un peu le hasard qui a conduit Novacap à investir dans Nuvei.

« On bâtissait une thèse d’investissement et on se disait qu’il fallait investir dans le secteur du paiement électronique. Je connaissais Philip Fayer et je l’ai donc appelé pour apprendre qu’il était en négociation pour vendre son entreprise à un joueur américain. Je lui ai dit : ‟arrête ça, on va investir et construire quelque chose de gros” », relate Pascal Tremblay, qui a immédiatement contacté la Caisse de dépôt.

Philip Fayer a accepté notre proposition même si les Américains lui offraient 200 millions de plus pour ses actions. Il partageait notre vision de construire quelque chose d’important et de structurant.

Pascal Tremblay, PDG de Novacap

Le PDG de Nuvei ne doit pas regretter sa décision, puisque la valeur de ses actions dépasse 1,5 milliard depuis l’inscription de Nuvei à la Bourse de Toronto…

Fait à souligner, Novacap a profité de l’émission d’actions pour écouler pour 75 millions US de ses actions dans Nuvei, et la somme recueillie a servi à payer des primes aux dirigeants de Nuvei. Voilà un témoignage pour le moins éloquent de leur appréciation.

La Caisse de dépôt et l’ensemble des Québécois se sont aussi enrichis avec l’inscription en Bourse de Nuvei, puisque la valeur du placement de 70 millions de la Caisse frôle aujourd’hui le milliard de dollars.

Kim Thomassin, première vice-présidente et cheffe des placements au Québec et de l’investissement durable, ne cachait pas mercredi qu’elle était particulièrement fière que la Caisse soit devenue partenaire de Nuvei lorsque Novacap l’a sollicitée.

PHOTO FOURNIE PAR KIM THOMASSIN

Kim Thomassin, première vice-présidente et cheffe des placements au Québec et de l’investissement durable

« La Caisse est là pour accompagner les entreprises québécoises et participer à leur expansion. On a été là dès le début et on a joué notre rôle d’investisseur institutionnel en mettant à contribution notre réseau mondial pour permettre à Nuvei de conquérir d’autres marchés », explique Kim Thomassin.

Ni la Caisse ni Novacap n’a profité de ce premier appel public à l’épargne de Nuvei pour monétiser une partie de son investissement. « On est un investisseur de long terme et on va continuer d’accompagner l’entreprise », rappelle la responsable des placements québécois à la Caisse de dépôt.

Pour la Caisse, toutefois, ce coup de circuit de Nuvei est certainement le bienvenu, puisqu’il viendra contrebalancer en partie les pertes que l’institution a dû essuyer avec plusieurs de ses placements dans les entreprises où elle est actionnaire.

Kim Thomassin n’a pas voulu commenter l’état de santé de son portefeuille d’actifs québécois, mais elle a rappelé que l’institution avait dégagé des liquidités de 4 milliards au début de la pandémie pour soutenir les entreprises en difficulté avec qui elle est partenaire.

Cela dit, Nuvei a profité de son premier appel public à l’épargne pour rembourser toutes ses dettes, dont celle qu’elle avait contractée avec la Caisse de dépôt. L’entreprise est maintenant en belle position pour amorcer une nouvelle phase d’expansion et, pourquoi pas, réaliser un nouveau coup de circuit…