Les 140 employés de Mometal Structures, à Varennes, sont en congé forcé cette semaine. Le fabricant de charpentes d’acier, qui existe depuis plus de 50 ans, risque la fermeture notamment en raison d’un différend entre la Ville de Longueuil et l’entrepreneur en construction Groupe TNT concernant une passerelle enjambant la route 132.

Le propriétaire de Mometal, Éric Lafontaine, qui a racheté l’entreprise familiale en septembre 2017, est ébranlé.

« Si je ne trouve pas 3 millions de dollars, on est dans la rue, a-t-il confié à La Presse. La banque va venir saisir tous les biens de l’entreprise. Je sais qu’on a le potentiel, qu’on a les employés et les contrats. »

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Éric Lafontaine, propriétaire de Mometal

Sur les 140 employés, 73 sont syndiqués. Le propriétaire a informé le syndicat des Métallos, dimanche, de ses graves problèmes financiers.

« La situation est très sérieuse. Ça ne regarde pas bien, a affirmé Guy Godette, représentant syndical des Métallos, en entrevue avec La Presse. Les gars vont rester chez eux cette semaine. Avec le Fonds de solidarité, on est en train de regarder si on va pouvoir leur apporter un soutien financier. »

Mometal Structures a réalisé plusieurs contrats d’envergure, dont la marquise de l’aéroport Trudeau, les charpentes architecturales de l’aéroport Pearson de Toronto et celles de l’aéroport international de Boston.

« La malchance a fait qu’on a eu deux projets qui ont mal viré », affirme Éric Lafontaine.

Selon le propriétaire, un projet au Centre des sciences à Montréal et celui de la passerelle piétonnière Normandie, à Longueuil, tous deux effectués en sous-traitance, l’empêchent de dormir.

La saga de la passerelle

Mometal a été engagé comme sous-traitant par Groupe TNT, en janvier 2017, pour fabriquer et installer les structures de métal (poutres caissons courbées) de la nouvelle passerelle Normandie. Une partie de l’ancienne passerelle au-dessus de la route 132 s’était effondrée en 2015 après avoir été accrochée par un camion qui circulait la benne levée.

Le chantier de reconstruction a été suspendu à cause d’un différend entre la Ville de Longueuil et Groupe TNT sur des questions de conformité au sujet d’une structure fabriquée par Mometal. La passerelle devait au départ être terminée en octobre 2017, mais a finalement été inaugurée en septembre 2018. Ce qui a entraîné des pénalités de 6000 $ par jour. Le sous-traitant Mometal attend de son côté depuis 2018 d’être payé.

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La nouvelle passerelle Normandie

« J’ai vu pleurer le président de cette entreprise. On l’a aidé du mieux qu’on a pu. On lui a même avancé des fonds que la Ville ne nous avait pas encore versés, a raconté en entrevue avec La Presse Stéphane Boie, qui agissait à titre de directeur de l’administration des contrats chez Groupe TNT. Ce genre de contrat-là, tu peux y laisser ta peau si tu ne réussis pas à te faire payer par le donneur d’ouvrage. »

Groupe TNT soutient que le problème de non-conformité allégué par la Ville de Longueuil pour arrêter les travaux s’est avéré non fondé. Groupe TNT et Mometal affirment avoir des expertises indépendantes pour le prouver. Selon eux, la Ville refuse d’admettre sa faute et de rembourser l’entrepreneur et son sous-traitant.

« On perd déjà des millions de dollars, on ne peut pas absorber les 2 millions de Mometal, car la Ville impose de très lourdes pénalités en lien avec les travaux qu’ils ont exécutés », explique Stéphane Boie.

La Presse a joint la Ville de Longueuil. Pour l’instant, les pénalités de 1,848 million s’appliquent dans ce dossier, selon son porte-parole Louis-Pascal Cyr.

« Mometal n’a pas de lien contractuel avec la Ville. Celui qui lui doit de l’argent, c’est Groupe TNT, et Groupe TNT sait, parce que c’est prévu au contrat de la Ville, qu’il doit faire la démonstration qu’il a payé l’ensemble des sous-traitants avant de recevoir le paiement final. »

Contrat au Centre des sciences

Pour ce qui est du deuxième projet pour lequel Mometal soutient ne pas avoir été payé, un contrat réalisé au Centre des sciences de Montréal, la firme EBC, qui a accordé le contrat en sous-traitance, a préféré ne pas faire de commentaires.

« Oui, c’est notre sous-traitant. Oui, on travaille avec lui sur le complexe des sciences », soutient Johanne Laurin, coordonnatrice des communications chez EBC.

« Mais je ne peux pas vous commenter la situation qui existe entre nous et lui comme sous-traitant. Il reste une partie des travaux à exécuter. »