La vilaine récession qui secoue l'Europe a traversé l'Atlantique et provoque des vagues contre les quais du port de Montréal.

Le plus important port du Saint-Laurent se dirige vers la première baisse de son trafic de marchandises depuis la récession qui avait suivi la crise financière de 2008. Il s'agit de la deuxième baisse à survenir depuis une décennie, ce qui interrompt le regain enregistré depuis la crise de 2008-2009.

«L'Europe et la région de la Méditerranée comptent pour plus de la moitié [47% et 19%] du trafic qui transite sur nos quais. Or, ces deux régions sont en récession et ça nous affecte», confirme Michèle Beaubien, directrice des communications du Port.

En fait, l'impact de la récession européenne sur le havre montréalais s'avère beaucoup plus important que ses administrateurs ne l'avaient anticipé au début de l'année. Après une année record en 2011, avec 28,5 millions de tonnes en transit, la direction du Port avait misé pour 2012 sur une autre hausse de 10% de son tonnage.

Or, en fin d'année, la réalité est tout autre. Les données pour les 10 premiers mois (janvier à octobre) montrent une baisse annualisée de 1,8%, ce qui pourrait à peine suffire à maintenir le trafic total à 28 millions de tonnes.

Dans le milieu maritime, personne ne croit à une soudaine embellie en fin d'année. «J'ai vu les chiffres de novembre et c'est encore mauvais. C'est une fin d'année difficile pour les entreprises de services au port de Montréal», indique Jean Bédard, président et chef de la direction de l'Association des employeurs maritimes.

Selon M. Bédard, cette conjoncture se manifeste sur deux plans: par une baisse des revenus et par le maintien de coûts salariaux. Ces coûts découlent du plancher d'emplois et de la sécurité salariale contenus dans la convention collective des débardeurs, qui est l'objet ces jours-ci de négociations intensives de renouvellement.

«Nous ne pouvons pas vraiment comprimer nos coûts de main-d'oeuvre malgré la baisse d'activité, alors que nous voudrions être en mesure d'offrir des mesures incitatives à nos clients», déplore Jean Bédard.

Conteneurs

C'est dans le plus important secteur d'activité au port, les conteneurs, que la récession outre-Atlantique fait le plus mal.

Sans compter l'impact des bas niveaux d'eau records l'été dernier, qui ont forcé une réduction de chargement des plus gros porte-conteneurs. En ce début d'hiver, cependant, ce niveau d'eau est revenu «autour de la normale», indique-t-on.

Les «marchandises conteneurisées» comptent pour un peu plus de 40% de tout le tonnage sur les quais montréalais.

Or, après deux années de rebond, le trafic de conteneurs est en rechute de près de 6%.

À ce rythme, il devrait terminer l'année autour des 11,8 millions de tonnes, soit 670 000 de moins qu'en 2011. Et bien en deçà du record de 13,3 millions de tonnes qui remonte à 2008, avant la crise financière et la récession dans les principales économies occidentales.

Par ailleurs, le deuxième secteur d'activité au port, les liquides en vrac et les produits pétroliers surtout, s'annonce aussi en recul d'au moins 10% en tonnage.

Ce secteur avait profité d'un bon substantiel de 32% en 2011, qui l'avait poussé au volume record de 10,7 millions de tonnes. Dans ce contexte, le ressac de 10% observé cette année est moins dommageable qu'il n'y paraît à première vue pour le port de Montréal.

En contrepartie, le trafic de «vrac solide» est en forte hausse de 27% sur une base annualisée, et vogue vers le niveau record de 6,5 millions de tonnes. Ce trafic portuaire à Montréal comprend surtout les activités du terminal céréalier situé près des rues Viau et Notre-Dame, dans l'est de Montréal.

Or, c'est la première année d'exploitation de ce terminal céréalier par le sous-traitant spécialisé Viterra. Il s'agit d'une grande firme canadienne de manutention des grains qui est en voie de se joindre à Glencore, géant suisse du commerce mondial des matières premières.

À la direction du Port, on se réjouit d'un tel regain au terminal céréalier, qui stagnait depuis des années. «Ce terminal profite maintenant d'un réseau international et ça paraît! C'est ce qui nous manquait en gestion interne au Port de Montréal», a indiqué sa porte-parole, Michèle Beaubien.

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PORT DE MONTRÉAL

Volume Total

28 millions de tonnes

en baisse de 1,8%

MARCHANDISES CONTENEURISÉES

11,8 millions

42% du total, en baisse de 5,5%

VRAC LIQUIDE (produits pétroliers)

9,7 millions

34,6% du total, en baisse de 10,7%

VRAC SOLIDE (céréales, minerais)

6,5 millions

23% du total, en hausse de 27%

MARCHANDISES DIVERSES

126000 tonnes

0,4% du total, en baisse de 2%

Source : Port de Montréal

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TONNAGE AU PORT DE MONTRÉAL

2002 : -2,5 %

2003 : +12 %

2004 : +11 %

2005 : +2,5 %

2006 : +3,7 %

2007 : +3,5 %

2008 : +3,7 %

2009 : -12 %

2010 : +5,6 %

2011 : +10 %

2012(1) : -1,8 %

1. Pour 10 mois : de janvier à octobre inclusivement.

Source : Port de Montréal

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CROISSANCE À QUÉBEC ET À SEPT-ÎLES

La baisse d'activité observée dans le port de Montréal n'est pas contagieuse. Dans les ports de Québec et de Sept-Îles, on enregistre plutôt une légère croissance. Ces deux ports se concentrent essentiellement sur le vrac, bien que Québec serve aussi d'escale à des croisières internationales.

PORT DE QUÉBEC

Janvier à septembre 2011 (millions de tonnes) : 19,95

Janvier à septembre 2012 : 24,38

PORT DE SEPT-ÎLES

Janvier à décembre 2011 (millions de tonnes) : 25,9

Janvier à décembre 2012 (estimation) : 27,0