Le grand patron de la société minière Iamgold menace d'abandonner l'expansion de la mine saguenéenne Niobec, un projet d'une valeur de 1 milliard, si le gouvernement Marois instaure un régime de redevances «punitif».

Dans une entrevue exclusive accordée à La Presse Affaires, le président et chef de la direction d'Iamgold, Steve Letwin, adopte un ton affirmatif. «On veut mettre de l'argent dans l'expansion de Niobec, mais si on a un régime de redevances punitif, on ne le fera pas. Je vais stopper le projet dans la seconde si cela arrive.»

La mine de Saint-Honoré, au nord de Chicoutimi, est l'une des trois seules mines de niobium dans le monde. Iamgold veut investir 1 milliard pour tripler la production annuelle et la durée de vie de la mine, de 15 à 46 ans.

M. Letwin appuie l'idée d'une redevance minimale «pour que chaque mine paie sa juste part», mais il en a surtout contre une autre idée du gouvernement Marois: celle de taxer le «surprofit» (les profits qui dépassent un certain rendement).

«Ça peut tuer des projets», dit-il, ajoutant qu'Iamgold a abandonné un projet en Équateur en raison d'une taxe du genre. «Un régime de redevances mal conçu va tuer le projet, éliminer des emplois et réduire les revenus que le gouvernement aurait pu encaisser.»

Retombées de 16 milliards

Des représentants d'Iamgold ont rencontré des ministres du cabinet Marois. «Ils leur ont dit exactement la même chose que je vous dis, affirme M. Letwin. Je pense qu'ils [les ministres] comprennent, mais la question est de savoir si c'est suffisant pour les empêcher d'aller de l'avant.»

«Pourquoi risquer 16 milliards en ajoutant des redevances additionnelles? Ils [le gouvernement] devraient faire le calcul de ce qu'ils vont perdre par rapport à ce qu'ils pourraient gagner.»

L'expansion de Niobec entraînerait pour Iamgold des fonds autogénérés avant taxes de 15,2 milliards sur 46 ans. La valeur actuelle nette après taxes (tous les bénéfices actualisés en date d'aujourd'hui et en fonction du coût du capital) est de 1,6 à 1,8 milliard.

Contrairement à Goldcorp la semaine dernière, Iamgold n'a pas dévoilé quel serait l'incidence financière précise d'un régime de redevances inspiré de la proposition électorale du Parti québécois (5% sur la valeur brute, 30% sur les surprofits).

M. Letwin parle toutefois d'un «impact énorme», tout dépendant de la formule exacte retenue par le gouvernement. «Quand on ajoute des redevances additionnelles, on augmente le risque de ne pas atteindre les taux internes nécessaires pour faire des rendements.»

Non seulement M. Letwin s'insurge-t-il contre la hausse annoncée des redevances, mais encore il demande: «Qui peut dire que ça ne changera pas encore dans deux ans?»

Des ministres rencontrés

M. Letwin a rencontré des ministres du cabinet Marois. «Je leur dis exactement ce que je vous dis, affirme-t-il. Je pense qu'ils comprennent, mais la question est de savoir si c'est suffisant pour les empêcher d'aller de l'avant.»

Ce serait, selon lui, une «énorme erreur de s'en prendre à la réputation de la province», étant donné que le gouvernement précédent avait aussi augmenté les redevances.

«Si le gouvernement décide d'aller de l'avant sans y penser comme il faut, on ne pourra pas renverser ça, ça vous suit pendant des générations.»

L'étude de faisabilité pour l'expansion de Niobec est attendue d'ici trois ou quatre mois. Iamgold se cherche un partenaire minoritaire pour l'aider à financer le projet, mais cette recherche est compliquée par l'incertitude entourant le régime des redevances, soutient M. Letwin.

L'entreprise torontoise exploite aussi la mine d'or Westwood en Abitibi, qui a commencé ses activités hier, et quatre autres mines d'or dans le monde.