Convaincus que leurs droits négociés dans les traités sont en jeu, les Cris ont l'intention de se faire entendre dans la procédure légale lancée contre le gouvernement provincial par le promoteur du principal projet d'uranium au Québec. Au centre de cette procédure se trouve un concept pour lequel il n'existe pas de définition consensuelle: l'acceptabilité sociale.    

La société Ressources Strate a déposé jeudi une requête pour forcer le gouvernement du Québec à prendre une décision - attendue depuis bientôt 18 mois - sur l'avenir de son projet d'uranium Matoush.

Or, le conseil de la nation crie de Mistissini et le Grand Conseil des Cris s'opposent au projet d'exploration souterraine, qui se développe sur leur territoire de trappe traditionnel. Ils ont déclaré un moratoire sur l'exploration et l'exploitation d'uranium.

Dans un rapport remis au ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), le comité provincial qui a examiné le projet pose d'ailleurs comme condition d'autorisation le consentement des Cris.

Dans sa requête au tribunal, Strateco affirme toutefois que légalement, le consentement des Cris n'est pas obligatoire pour obtenir son permis. Les Cris ne sont pas d'accord. «Ça devient un enjeu de traités», dit le chef de Mistissini, Richard Shecapio.

Dans un communiqué publié hier après-midi, le Grand Conseil des Cris affirme que l'acceptabilité sociale des projets sur le territoire traditionnel des Cris «a été depuis longtemps reconnue par Québec». Selon l'organisme, Strateco tente de «contourner» les droits des Cris prévus aux traités.

En juin dernier, des experts consultés par La Presse Affaires avaient expliqué que dans le cas du projet Matoush, les traités prévoient une consultation obligatoire, mais pas nécessairement le consentement. Les Cris ont l'intention de présenter leurs arguments devant le juge.

Acceptabilité sociale

La Coalition pour que le Québec ait meilleure mine a aussi réagi vivement à la procédure lancée par Strateco. «Strateco démontre très clairement qu'elle n'en a rien à foutre de l'acceptabilité sociale», a déclaré le porte-parole de la Coalition, Ugo Lapointe.

Le président et chef de la direction de Strateco, Guy Hébert, s'inscrit en faux contre cette affirmation. Il rappelle que les maîtres de trappe cris concernés et les représentants des Jamésiens (Chibougamau, Chapais) appuient le projet. «Le problème, c'est que nous n'avons pas de définition de l'acceptabilité sociale. Est-ce que c'est 50% plus un, les groupes, les élus?»

Tant Strateco que les Cris ou Québec meilleure mine pressent le gouvernement Marois de prendre une décision dans le dossier de l'uranium.

«Étant donné la complexité de la situation et l'importance des enjeux, le ministre considère qu'il est primordial de tenir compte de l'ensemble des aspects économiques, environnementaux et sociaux, et il est donc présentement trop tôt pour prendre une position formelle sur la situation de l'uranium», a répondu hier l'attachée de presse du ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet.

Cet automne, le gouvernement avait lancé l'idée que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement analyse l'ensemble de la filière de l'uranium, un peu comme l'évaluation environnementale que l'organisme effectue pour le gaz de schiste. L'idée est toujours sur la table, a confirmé hier le cabinet du ministre de l'Environnement.

Selon Ugo Lapointe, de Québec meilleure mine, la procédure lancée par Strate crée «un moment propice pour que Québec annonce la tenue de cette évaluation environnementale et un temps d'arrêt pour les projets d'uranium en cours».