Le Sénat à majorité libérale a appuyé sur l'accélérateur hier soir afin d'adopter le budget du gouvernement Harper prévoyant des mesures de 40 milliards de dollars sur deux ans pour relancer l'économie canadienne.

Le budget a donc été adopté deux semaines plus tôt que prévu après que le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, eut appris qu'une mesure importante - l'octroi de cinq semaines supplémentaires de prestations aux chômeurs - entrerait en vigueur de manière rétroactive, soit deux semaines à partir de la date où le projet de loi obtiendrait la sanction royale.

 

Cette mesure était passée inaperçue jusqu'ici dans les 500 pages de documents du budget et le projet de loi le mettant en oeuvre. Même le ministre des Finances, Jim Flaherty, avait omis de le préciser au cours de son témoignage devant un comité du Sénat, mardi.

Mais un proche collaborateur du grand argentier du pays, Chisolm Pothier, a confirmé cette mesure dans un courriel envoyé mercredi soir à certains médias. Et un fonctionnaire du ministère des Finances, Yves Giroux, avait précisé ce petit détail important mardi en réponse à une question du sénateur libéral Grant Mitchell.

Michael Ignatieff a confirmé en début d'après-midi hier que les sénateurs libéraux avaient accepté d'adopter rapidement le budget de sorte que les chômeurs dont les prestations doivent prendre fin ces jours-ci puissent obtenir l'aide accrue du gouvernement fédéral.

«En découvrant cela, le Sénat a décidé immédiatement et à l'unanimité de faire passer le budget hier afin que les chômeurs aient accès à l'assurance chômage le plus vite possible», a affirmé le chef libéral.

Outre l'allongement de cinq semaines des prestations pour les chômeurs, le budget du ministre Flaherty prévoit des investissements importants dans les infrastructures, dans la construction du logement et dans la formation de la main-d'oeuvre, entre autres choses, pour relancer l'économie canadienne, plongée en récession depuis le dernier trimestre de 2008. Les dépenses dans les infrastructures pourront commencer à partir du 1er avril, date du début du nouvel exercice financier.

Certains sénateurs libéraux avaient indiqué plus tôt cette semaine qu'ils voulaient prendre leur temps pour étudier le projet de loi parce qu'il contient aussi des mesures controversées touchant l'équité salariale.

L'adoption du budget survient quelques heures avant le dévoilement fort attendu des nouveaux résultats du taux de chômage au pays pour le mois de février. D'aucuns s'attendent, au premier rang le ministre Flaherty, à ce que le taux de chômage, qui était de 7,2% en janvier, augmente de nouveau.

Depuis le début de la semaine, le gouvernement Harper accuse les sénateurs libéraux de retarder indûment l'adoption du budget. Mais jamais un ministre, pas même le ministre Flaherty, n'avait fait état que la prolongation des prestations de chômage était rétroactive.

Aux Communes, hier, le chef libéral a soutenu que le gouvernement Harper soit ignorait l'existence de cette clause de rétroactivité, soit qu'il le savait mais tentait de se faire du capital politique pour accuser les libéraux de se traîner les pieds.

«C'était soit de l'incompétence, soit une petite partie politique de sans coeur», a lancé M. Ignatieff.

Le premier ministre, Stephen Harper, a rétorqué que c'était au contraire les partis de l'opposition qui se livraient à des jeux politiques en se réjouissant, selon lui, des mauvaises nouvelles économiques qui sont nombreuses par les temps qui courent.

«Le petit jeu politique, c'est le chef du Parti libéral qui le joue en essayant de tirer profit des mauvaises nouvelles sur le plan économique tout en ne proposant aucune suggestion constructive au pays. Lui et son parti jouaient des jeux au Sénat avec le budget. Ils n'auraient pas dû faire cela. Je suis heureux de constater qu'ils ne le feront plus et j'espère qu'ils s'engageront à ne plus faire cela à l'avenir», a affirmé M. Harper.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a soutenu que les libéraux de Michael Ignatieff ont fait volte-face en adoptant plus rapidement le budget parce qu'ils craignent la tenue d'élections générales. Le Bloc québécois a voté contre le budget à la Chambre des communes, le jugeant insuffisant pour contrer les effets de la récession.

«Ils ont peur d'une élection, c'est aussi simple que ça. Je l'avais dit moi quand ils ont dit que ce gouvernement était sous probation. (...) Les libéraux de Michael Ignatieff agissent exactement comme les libéraux de Stéphane Dion», a dit M. Duceppe.

Le chef du NPD, Jack Layton, a pour sa part affirmé que la décision des sénateurs libéraux de changer leur fusil d'épaule confirme, à ses yeux, que le Sénat ne joue pas un rôle utile.

«Ça indique que le Sénat est une institution inutile dans notre système. Les sénateurs n'ont rien contribué au débat. C'est une des raisons pour lesquelles le NPD a appuyé l'abolition du Sénat», a dit M. Layton, dont le parti a aussi voté contre le budget aux Communes.