Toutes les minutes, dans les carrefours giratoires du Québec, un automobiliste fait preuve d'un mauvais comportement. Trois fois sur quatre, c'est la règle de priorité à l'anneau qui est transgressée. Le manque d'éducation et une signalisation déficiente sont à blâmer.

L'ingénieur Alexandre Beaupré, candidat à la maîtrise en génie de la construction à l'École de technologie supérieure de Montréal, a étudié de près les carrefours giratoires construits au Québec. La province en compte une centaine sur les quelque 300 répertoriés au pays, un nombre appelé à augmenter puisque ce type d'intersection est de plus en plus populaire.

Le jeune homme a découvert, au cours de ses travaux de maîtrise, que les aménagements varient beaucoup d'un endroit à l'autre même si le ministère des Transports du Québec (MTQ) a déjà publié un guide de conception. L'élément le plus disparate est sans contredit la signalisation. «Il y a souvent des panneaux de trop», fait remarquer M. Beaupré.

Le chercheur a notamment répertorié des approches où les panneaux «cédez le passage» s'empilaient, d'autres affichant une flèche verte encerclée imposant le virage à droite, pourtant une évidence dans un giratoire. Certaines villes ont même senti le besoin d'interdire le stationnement dans l'anneau!

Cette surabondance d'information n'aide pas les automobilistes, qui ne savent pas trop comment négocier un giratoire. À preuve, le nombre élevé de mauvais comportements répertoriés par M. Beaupré. Celui-ci a épluché des extraits vidéo tournés aux abords de 11 giratoires québécois entre 2007 et 2009. À peine 448 minutes d'enregistrement ont suffi pour dénoter 321 comportements fautifs.

Dans 76 % des cas, les manquements concernent la règle de priorité à l'anneau : les véhicules s'arrêtent sans raison aux approches, omettent de céder le passage ou cèdent le passage en freinant dans l'anneau. Pour entrer dans un giratoire, il suffit pourtant de ralentir pour s'assurer que la voie est libre (pas d'auto, pas de vélo, pas de piéton), puis de s'insérer dans le sens contraire des aiguilles d'une montre en gardant en tête que la priorité est à ceux qui circulent déjà dans l'anneau. Simple question de fluidité et de sécurité.

Plusieurs véhicules roulent également à des vitesses excessivement hautes ou excessivement basses, selon les extraits vidéo. Sept fois, M. Beaupré a même observé des véhicules circulant en sens inverse. Deux audacieux ont également fait marche arrière pendant qu'ils étaient dans l'anneau...

Curieux de savoir comment les automobilistes tournent dans le giratoire du boulevard Lebourgneuf, près de la jonction des autoroutes 40 et 573, Le Soleil y a planté sa caméra pendant 90 minutes cette semaine. Ce fut amplement suffisant pour constater plusieurs erreurs de conduite.

 

Manque de connaissance

Selon Alexandre Beaupré, ces comportements qu'il qualifie d'«erratiques» témoignent davantage de la méconnaissance des giratoires que de la témérité des usagers de la route. Il ne doute d'ailleurs pas que les manquements sont aussi nombreux aux intersections classiques. «Aux stop et aux lumières, ce sont clairement des comportements délinquants car les gens savent ce qu'ils doivent faire. Tandis qu'aux giratoires, les conducteurs ne savent pas trop comment se comporter», fait remarquer l'ingénieur.

Cette insécurité entraîne souvent un excès de prudence qui peut devenir dangereux car c'est lors de l'entrée dans l'anneau que les risques d'accidents augmentent dans un giratoire.

Photo Rémi Lemée, archives La Presse

Un carrefour giratoire de l'Île-des-Soeurs, à Montréal.