Les femmes souffrent davantage de la rage au volant que les hommes, mais elles y succombent si discrètement que la cible de leur colère ne s'en rend souvent pas compte.

Les conducteurs de minounes se font plus facilement klaxonner que les propriétaires de voitures de luxe s'ils gênent un automobiliste plus pressé qu'eux. Et paradoxalement, les automobilistes qui arborent fièrement une arme à feu suscitent davantage de rage au volant chez les autres automobilistes.

Telles sont les conclusions des rares études qui ont cherché à dresser le portrait-robot de la rage au volant. Ou, plus exactement, à décrire les caractéristiques des automobilistes qui poussent les autres vers la rage au volant.

«Curieusement, il y a eu très peu d'études sur le sujet», explique Andrew McGarva, psychologue à l'Université d'État du Dakota-du-Nord, qui a récemment étudié l'hostilité envers les conducteurs parlant au téléphone. «On ne sait même pas si une personne âgée suscitera plus d'empathie en cas d'erreur ou de lenteur à démarrer au feu rouge. C'est quand même bizarre, vu l'accent qu'on met sur le vieillissement de la population et la rage au volant. C'est comme s'il n'y avait qu'un seul côté, la personne qui est enragée. Mais, sur la route comme dans la vraie vie, pour qu'il y ait une chicane, il faut être deux.»

Les quelques études sur le sujet datent des années 60 et 70. «À l'époque, on ne parlait pas encore de rage au volant, dit M. McGarva. Mais on s'intéressait beaucoup à la psychologie de l'agression. L'étudier sur la route semblait naturel, c'était un nouvel environnement où on pouvait tester si les réflexes animaux s'appliquaient.»

Pour ce qui est des fusils, le réflexe animal a bel et bien été vérifié. «C'est un principe de base en psychologie: quand un mâle voit des signes d'agression, comme un fusil ou un torse gonflé, il devient lui-même plus agressif. Cela dit, l'étude a été faite dans les années 70. Je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui, avec toutes les histoires de fusillades sur la route, les résultats seraient les mêmes. Klaxonner une personne qui s'identifie clairement comme un propriétaire d'arme à feu, par exemple avec un autocollant de la National Rifle Association sur le pare-chocs, ça me semble chercher les ennuis.»

En 2006, un épidémiologiste de l'Université Harvard avait affirmé que les propriétaires d'armes à feu présentaient 50% plus de risques que les autres automobilistes d'être atteints par la rage au volant. Le chercheur avait voulu vérifier l'adage «une société armée est une société polie», souvent cité par les groupes de pression pro-armes à feu.

Le résultat le plus concluant de ce type d'étude concerne la valeur de la voiture. À la fin des années 60, des psychologues ont montré que les propriétaires de minounes se font davantage klaxonner que ceux de voitures de luxe quand ils roulent en dessous de la vitesse limite ou démarrent trop lentement quand le feu passe au vert. «On pense que c'est un respect inné envers l'autorité, symbolisé par la richesse, dit M. McGarva. Il se peut que l'automobiliste frustré s'abstienne de klaxonner devant une voiture de luxe parce qu'il se pourrait que ça soit son patron, ou un autre patron.»

Les femmes plus touchées

Quelques études ont montré que les femmes ne manifestent pas moins d'impatience que les hommes. «La principale différence entre les sexes concerne la personne atteinte de rage au volant, dit M. McGarva. Les femmes sont plus susceptibles d'être touchées, mais ça paraît moins parce qu'elles se limitent à engueuler la personne, souvent en gardant les vitres fermées, ce qui fait que l'autre ne peut pas les entendre. Les hommes, eux, vont faire clairement sentir leur déplaisir en collant le pare-chocs ou en klaxonnant.»

Même le klaxon n'est pas un bon indicateur de la rage au volant, selon le psychologue du Dakota-du-Nord. «Il n'est jamais clair si ça veut dire «je proteste» ou «je t'avertis que je suis là, au cas où tu ne le saurais pas». Nous travaillons depuis quelques années à établir des marqueurs plus fiables de la rage au volant. Par exemple, suivre une voiture de très près et changer souvent de voie, particulièrement si ça ne mène pas à un dépassement. Il faut aller au fond de la question pour que la rage au volant soit mieux comprise, qu'on sorte de la morale.»