(Québec) Le plan d’investissement de 100 milliards d’Hydro-Québec pour doubler sa capacité de production coûtera cher, admet le ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon. Deux solutions s’offrent à lui : faire payer les entreprises et les commerces, ou réduire les profits qui sont versés au gouvernement. Il ne veut pas augmenter les tarifs résidentiels.

« Ou on va chercher au commercial et à l’industriel, ou il va y avoir moins de profits à Hydro-Québec. La décision n’a pas encore été prise », a laissé tomber M. Fitzgibbon, jeudi, à l’Assemblée nationale.

Il réagissait au dévoilement du plan de match du nouveau PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, qui prévoit la construction de nouvelles centrales hydroélectriques, dont une centrale à réserve pompée, et l’ajout de 5000 kilomètres de lignes de transport.

La facture sera salée : les investissements annuels d’Hydro-Québec sont actuellement de 4 milliards. Ils tripleront pour atteindre entre 12 et 16 milliards jusqu’en 2035.

Il faut regarder les finances publiques. Hydro-Québec peut emprunter. Il y a différentes sources d’argent, on va regarder dans les prochaines années comment on va faire ça.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie

Ce qui est certain, c’est que le gouvernement Legault ne compte pas se tourner vers la clientèle résidentielle pour mettre la main à la pâte. François Legault s’est engagé à ne « jamais » hausser les tarifs d’électricité au-delà de l’inflation ou d’un plafond de 3 %. Un projet de loi doit d’ailleurs être déposé à ce sujet.

« Le 3 % est une réglementation jusqu’en 2025. M. Legault a été très clair : il faut laisser à 3 % », a dit M. Fitzgibbon.

Main-d’œuvre

Le Parti libéral s’est dit inquiet de la disponibilité de la main-d’œuvre, et des impacts de ces travaux sur le marché de la construction au Québec. « D’ici 2035, le besoin de main-d’œuvre en construction consacrée à développer la nouvelle énergie, c’est 35 000 travailleuses, travailleurs de la construction, à partir de maintenant jusqu’en 2035, tous les ans. Au Québec, selon la CCQ, il y a 200 000 travailleurs et travailleuses de la construction », a souligné le chef libéral par intérim Marc Tanguay.

Il estime également que le gouvernement caquiste aurait dû lancer ces chantiers plus tôt, et qu’on risque de manquer de temps. L’érection du complexe de la Romaine s’est réalisée de 2009 à 2023, soit pendant 14 ans.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Le complexe hydroélectrique de la Romaine a été inauguré en octobre.

Or HQ veut construire « l’équivalent de trois de nos plus grands ouvrages hydroélectriques, l’aménagement Robert-Bourassa-LG2, Manic 5 et le complexe de la Romaine » d’ici 2035, soit dans 12 ans.

Québec solidaire s’inquiète de son côté de la présence du secteur privé dans ce plan. Le chef parlementaire du parti, Gabriel Nadeau-Dubois, demande au gouvernement caquiste de ne pas « dénationaliser Hydro-Québec ». « Il faut garder le contrôle collectif sur notre énergie, il faut garder le contrôle démocratique sur notre avenir énergétique, et ce plan-là est rempli de portes où pourrait s’infiltrer le privé », s’inquiète-t-il.

Il veut également savoir qui paiera pour ces travaux. « Il y a quand même 25 % des investissements annoncés aujourd’hui qui vont servir aux projets industriels que Pierre Fitzgibbon va choisir. C’est notre argent, là, qui s’en va là-dedans. Est-ce que la facture va être refilée aux PME, aux consommateurs résidentiels ? La réponse à cette question-là, elle a changé tellement de fois dans les derniers mois qu’on est en droit de se poser des questions, puis on est en droit de vouloir plus de clarté et plus de transparence », a-t-il déploré.

« Où va-t-on trouver, en pleine pénurie de main-d’œuvre, les 35 000 travailleurs, travailleuses nécessaires à ces chantiers-là ? On nous dit qu’on veut faire de nouveaux barrages, mais sur quelles rivières on va les faire ? Ce n’est pas des détails, ça, et on n’a pas eu de réponse à ces questions-là aujourd’hui », a-t-il dit.

De son côté, le péquiste Pascal Bérubé ne « s’oppose pas à la construction de nouveaux barrages », mais il demande avant tout de lancer « un grand chantier d’efficacité énergétique ». « Il faut lancer un grand chantier d’efficacité énergétique et évaluer notre capacité à maximiser notre potentiel avec les autres technologies comme l’éolien et le solaire. »

M. Bérubé demande lui aussi plus de transparence. « Hydro-Québec et la CAQ doivent être très transparents et nous dire rapidement : sur quelles rivières envisage-t-on la construction de nouveaux barrages ? », a-t-il demandé.