La hausse des droits de scolarité pour les étudiants venant de l’extérieur du Québec inquiète le patron de la Banque de Montréal, mais le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, se range derrière la décision du gouvernement.

« C’est une initiative qui amoindrit la force du secteur universitaire au Québec et amoindrit l’économie du Québec », affirme Grégoire Baillargeon, président de BMO Groupe financier pour le Québec.

« La force de notre réseau universitaire permet d’attirer et de retenir des talents de partout dans le monde. C’est cet avantage concurrentiel qu’il faut préserver. »

La crainte est de voir une hausse des droits de scolarité décourager des étudiants de venir s’instruire dans les universités anglophones du Québec – les plus touchées par la mesure – et de surcroît dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Grégoire Baillargeon, président de BMO Groupe financier pour le Québec

Québec a annoncé il y a deux semaines son intention d’instaurer de nouvelles mesures pour l’automne prochain, notamment une majoration des droits de scolarité pour les étudiants en provenance d’une autre province canadienne. Leurs droits de scolarité passeront de près de 9000 $ à 17 000 $ par année – ce qui permettrait de récupérer environ 110 millions par an selon le gouvernement, pourvu que le nombre d’étudiants ne diminue pas. La cagnotte sera redistribuée aux universités francophones.

Le gouvernement a signalé la semaine dernière qu’il envisage d’exempter de la hausse des droits les Canadiens qui viennent fréquenter une université francophone. D’ailleurs, l’augmentation ne devait toucher que ceux qui fréquentent les universités anglophones, disait-on au gouvernement peu de temps avant l’annonce officielle.

De leur côté, les étudiants étrangers devront payer un tarif minimum de 20 000 $, montant sur lequel le gouvernement fera une ponction d’environ 3000 $ pour assurer une équité entre les établissements francophones et anglophones. Les tarifs avaient été déréglementés sous le gouvernement Couillard, ce qui a permis depuis aux universités d’imposer le montant de leur choix et de conserver la cagnotte – une demande de longue date de McGill.

Protéger le français

L’initiative du gouvernement Legault s’inscrit dans un plan d’action visant à protéger le français.

« On est très sensible comme organisation à l’ensemble des actifs du Québec et de Montréal dans le monde », dit Grégoire Baillargeon en entrevue. « On considère qu’être un pôle universitaire de renommée mondiale est un actif extraordinaire pour le Québec. Le choix de société d’avoir ce pôle universitaire est très important et on doit se poser la question comme société à savoir comment on veut utiliser cet actif. »

Il demande au gouvernement Legault d’entamer une conversation avec l’ensemble du secteur universitaire.

Si Grégoire Baillargeon concède qu’il faut en faire davantage pour protéger le français au Québec, il souligne que des initiatives importantes en cours de déploiement pourraient faire une différence considérable dans la francisation des étudiants qui viennent de l’extérieur du Québec.

Il fait notamment référence au projet d’investissement de 50 millions pour la promotion du français que l’Université McGill a suspendu la semaine dernière en réaction à la décision du gouvernement de presque doubler les droits de scolarité annuels pour les étudiants de l’extérieur de la province. Comme La Presse l’a écrit le 13 octobre, l’université a annulé l’annonce de son plan prévue le 11 octobre en apprenant que le gouvernement s’apprêtait à rendre publique sa décision ; les cartons d’invitation avaient même été envoyés.

« On devrait célébrer ce type d’initiative venant d’une université anglophone », dit Grégoire Baillargeon, en ajoutant qu’il y a un consensus fort de l’ensemble des dirigeants d’entreprise à Montréal et même de partout au Québec dans ce dossier.

Son avis fait écho à celui du président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. La semaine dernière, Michel Leblanc était cité dans le Montreal Gazette, affirmant que les entreprises montréalaises craignent que de nombreux étudiants hors Québec décident maintenant de regarder ailleurs pour faire leurs études.

Le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, considère que la décision du gouvernement a du sens. « Je pense que c’est logique que les étudiants du Canada qui viennent étudier au Québec paient le prix du service », a-t-il dit lors d’une mêlée de presse mercredi à Québec.

À 17 000 $, les droits de scolarité imposés aux étudiants des autres provinces vont correspondre à ce que leur formation coûte à l’État québécois, avait expliqué la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry.

Pierre Fitzgibbon a également plaidé que « la plupart » des étudiants d’autres provinces qui fréquentent Bishop’s « s’en vont et ne restent pas ici » après leur formation.

Il a avancé que les Québécois qui vont étudier ailleurs au pays « paient un prix qui n’est pas subventionné » par la province.

Rappelons que dans les plus récentes règles budgétaires concernant les universités, le gouvernement justifiait ainsi le tarif jusqu’ici fixé à 9000 $ : « Depuis le trimestre d’automne 1997, les étudiants canadiens et les résidents permanents du Canada qui ne sont pas résidents du Québec paient des droits de scolarité globalement comparables à ceux en vigueur dans les universités ailleurs au Canada. »