La porte était pourtant fermée depuis 1980. Cette année-là, la Suède renonçait à l’énergie nucléaire après avoir consulté la population par voie de référendum. Sa décision récente de renouer avec cette source d’énergie controversée est un revirement majeur qui devrait nous interpeller.

La Suède, petit pays nordique de 10 millions d’habitants auquel le Québec aime se comparer, fait face à un défi qui nous dit quelque chose. Le pays doit doubler sa capacité de production d’électricité d’ici 2045 pour satisfaire la demande croissante générée par l’élimination graduelle des énergies fossiles.

Depuis des années, la Suède fait des efforts louables pour développer des sources d’énergie renouvelable. Plus de la moitié de la consommation totale d’énergie du pays est de source renouvelable, hydroélectrique et éolienne surtout. Le nucléaire, qui n’est pas considéré comme une source d’énergie renouvelable, mais qui n’émet pas de gaz à effet de serre, compte pour 30 % de la production.

Au total, donc, près de 90 % de la production d’électricité est déjà la moins polluante qui soit.

Malgré ce portrait énergétique enviable, le gouvernement estime qu’il ne peut pas atteindre son objectif d’éliminer ses émissions de gaz à effet de serre sans avoir recours au nucléaire.

L’idée d’un retour au nucléaire flottait depuis un certain temps dans le ciel suédois, mais l’annonce faite le 9 août dernier par la ministre de l’Environnement a eu l’effet d’un séisme dans le pays. La ministre de 27 ans, Romina Pourmokhtari, a annoncé officiellement la levée des restrictions légales sur le développement de futures centrales nucléaires et la fin du moratoire sur l’exploitation de l’uranium.

La Suède a six réacteurs nucléaires en activité. Selon la ministre, il lui en faudrait 10 de plus pour satisfaire les besoins en électricité prévus dans 20 ans.

Après 40 ans, la Suède s’apprête donc à changer de camp dans le grand débat qui divise le monde sur l’énergie nucléaire. Ce n’est pas unique au pays de Greta Thunberg. La même réalité s’impose partout : les énergies solaire et éolienne, qui sont des sources d’énergie intermittentes, ne suffisent pas à assurer l’approvisionnement en électricité fiable dont le monde a besoin.

En attendant que d’autres technologies deviennent commercialement viables, comme le stockage, qui pourrait assurer un approvisionnement continu en l’absence de soleil ou de vent, le nucléaire se refait une place dans l’arsenal de lutte contre les changements climatiques⁠1.

Même le Québec, qui a fermé sa seule centrale nucléaire il y a 11 ans, n’échappe pas au débat. Le nouveau président d’Hydro-Québec, Michael Sabia, a demandé à l’entreprise de dépoussiérer le dossier nucléaire clos en 2012.

Les temps ont changé, la technologie évolue et il n’y a pas de source d’énergie parfaite. Si les experts nous disent qu’il y a des risques associés au nucléaire, ils nous disent aussi qu’il y a des risques à dépendre à 99 % d’une seule source d’énergie de base, l’hydroélectricité, à la merci des aléas climatiques.

1. Lisez « Transition énergétique : Le grand retour du nucléaire »
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  • 10 %
    Part de l’électricité mondiale qui est de source nucléaire
    source : World NucLEar Association