Les consommateurs délaissent le bio et certaines entreprises aussi, du moins en partie. Pour rejoindre une plus large clientèle, Prana, spécialisée dans les granolas et collations santé, a décidé d’élaborer des mélanges de noix sains, non certifiés bios – contrairement à son offre habituelle –, destinés au marché des enseignes à bas prix comme Maxi ou Super C.

« On veut avoir un impact. Pour avoir un impact, ça prend du volume, ça prend de la visibilité, il faut être partout », soutient Marie-Josée Richer, cofondatrice de Prana, au cours d’une entrevue accordée à La Presse. Elle ajoute dans la foulée que son entreprise a dû « s’ajuster » pour demeurer accessible.

Le consommateur s’est tourné vers les Maxi, les Super C de ce monde. Il cherche à faire des économies. Donc, le comportement du consommateur a vraiment changé. Les produits plus nichés, bios…. Ça a diminué.

Marie-Josée Richer, cofondatrice de Prana

Ce constat a également été énoncé récemment au cours d’un webinaire auquel participaient des représentants de NielsenIQ : on note une baisse des ventes des produits bios en épicerie. Prana l’a ressenti, le Syndicat des producteurs de lait biologique du Québec aussi.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

En plus de son offre bio, Prana propose désormais des mélanges de noix conventionnels.

Si l’entreprise menée par Mme Richer n’a pas l’intention d’abandonner le bio, après de nombreuses discussions à l’interne, elle a décidé de ne pas s’adresser uniquement « aux consommateurs ayant les moyens d’acheter des produits biologiques ». Elle a donc développé des mélanges de noix (notamment au chocolat, aux fèves et aux edamames) conventionnels, donc moins coûteux.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Josée Richer et Alon Farber, fondateurs de Prana, en 2015

On subventionnait le bio avec des marges réduites parce qu’on y croyait et qu’on y croit encore. Avec le coût des matières premières et le coût du transport, c’est devenu impossible, malheureusement, avec nos marges de continuer à le subventionner.

Marie-Josée Richer, cofondatrice de Prana

« C’est tout un move pour Prana », insiste Mme Richer. Mais l’idée, illustre-t-elle, c’est de ne pas juste être « dans le petit magasin d’alimentation naturelle à 9,99 $ ». Voilà pourquoi l’entreprise connue notamment pour ses céréales et ses biscuits a décidé d’élargir sa gamme avec des produits conventionnels, non certifiés biologiques.

« Ç’a été pensé pour les enseignes à escomptes en raison du format, du placement en épicerie. Loblaw a été la première [entreprise] à sauter sur l’occasion. »

Des discussions ont actuellement lieu entre l’entreprise et le détaillant, a confirmé Johanne Héroux, directrice principale, affaires corporatives et communications de Loblaw (Maxi, Provigo).

Également dans le créneau plus niché des granolas, Geneviève Gagnon, présidente de La Fourmi bionique, remarque elle aussi qu’il y a « une certaine sensibilité au prix » de la part de la clientèle. « Il y a des changements de prix sur les tablettes », rappelle-t-elle. Avec l’inflation, Mme Gagnon se conforte dans son choix de ne pas avoir opté pour une « stratégie 100 % bio ». « On utilise des ingrédients biologiques et conventionnels. Dans le cas des amandes, par exemple, comme les prix sont volatils, on est toujours resté dans le conventionnel. »

Du côté du Syndicat des producteurs de lait biologique du Québec (SPLBQ), le président Bryan Denis reconnaît « qu’il y a un certain ralentissement ». Pour l’année en cours, il prévoit une baisse des ventes de 3 %. La compétition avec les autres boissons (d’avoine, d’amande ou de soya) est particulièrement féroce. Malgré tout, M. Denis n’a pas l’intention de délaisser le type de production dans lequel il travaille depuis 22 ans.

Ça ne va pas mieux dans le lait conventionnel. Je ne ferais pas plus d’argent.

Bryan Denis, président du Syndicat des producteurs de lait biologique du Québec (SPLBQ)

Pas de baisse chez Avril

Par ailleurs, en ces temps inflationnistes où les consommateurs cherchent à faire des économies, les supermarchés Avril, qui vendent des produits bios et de niche, ne connaissent pourtant pas d’essoufflement dans leurs ventes, assure la copropriétaire Sylvie Senay. « Au contraire, notre clientèle continue de grandir. Nous poursuivons notre plan de développement avec une 12e succursale à Repentigny à l’automne 2023. »