D’un point de vue économique, le ciel de 2023 est rempli de nuages noirs. Mais après la pluie vient le beau temps, dit l’adage, et l’équipe de La Presse Affaires s’est efforcée de regarder au-delà de ces nuages pour trouver les éclaircies. Aujourd’hui : l’inflation

La crainte

On a suivi de près les mouvements de l’inflation en 2022. Même ceux et celles qui s’intéressaient peu à l’économie avant s’y sont mis. Chaque annonce de Statistique Canada résonnait dans les médias et les chaumières, celles de la Banque du Canada tout autant. Une constante : ça monte. Même une fois les records atteints vers le haut, à l’été, on parlait de ralentissement de la croissance. Un moindre mal…

Le taux d’endettement a aussi monté, hélas : fin 2022, Equifax nous a appris que la dette à la consommation a bondi de 7,3 % en une année. « L’endettement non hypothécaire moyenne par consommateur se chiffre à 21 183 $ » par adulte canadien, nous révèle l’agence d’évaluation de crédit.

Pour la plupart des gens, ces circonstances, stressantes, admettons-le, ont imposé une révision du budget. Réévaluation de la stratégie de l’hypothèque, économies à l’épicerie, le plus possible ; vacances plus courtes, moins loin. Les plus courageux se sont attaqués à leur manque de littératie financière.

De cette réflexion et ce désir de prendre le contrôle de ses finances, restera-t-il du bon ?

L’angle positif

Déjà, la bonne nouvelle, on peut s’entendre pour dire que le pire est derrière nous.

Et que ça aurait pu être bien pire…

« Dans la mesure où l’inflation qu’on connaît actuellement est due à une reprise économique plus forte que prévu, on peut prétendre que l’inflation est le moindre mal : est-ce qu’on aurait préféré un taux d’inflation modeste jumelé avec une récession longue et profonde ? », demande le professeur Stephen Gordon, directeur du département d’économique de l’Université Laval.

« On oublie l’ampleur du choc économique que la COVID a occasionné : plus de 15 % des travailleurs canadiens ont perdu leur emploi dans l’espace de deux mois, entre février et avril 2020 », rappelle-t-il, ajoutant cette comparaison : un peu moins de 10 % des travailleurs ont perdu leur emploi entre 1928 et 1932, le creux de la Grande Dépression.

Quand on se compare…

Les gouvernements, ici et ailleurs, se sont précipités pour assurer un soutien de revenu dans un très court laps de temps. On était conscients du risque d’une flambée de l’inflation plus tard, mais on a décidé que c’était mieux d’en faire trop que pas assez.

Stephen Gordon, directeur du département d’économique de l’Université Laval

Cet économiste affirme, a posteriori, qu’on ne peut pas conclure qu’il s’agit d’une erreur de stratégie, puisqu’on a évité de se retrouver dans un scénario comparable à celui de la Grande Dépression.

Et l’inflation peut aussi être vue sous cet angle positif, explique Philippe D’Astous, professeur au département de finances de HEC Montréal : ça augmente la croissance économique. « Et le Québec semble faire mieux que le reste du Canada, rappelle-t-il. Au bout du compte, c’est l’augmentation relative qui est importante. L’inflation augmente le prix des produits et donc augmente le PIB. Ça peut être un peu artificiel, mais tout de même, ça compte comme une certaine croissance économique. »

Lisez la chronique « Le Québec bat les prédictions »

Du bon pour les finances personnelles aussi…

Il y a plus : en ce moment, le marché de l’emploi est plus compétitif pour les travailleurs.

« Avec le taux de chômage aussi bas, anecdotiquement, il semble qu’il y ait plus de mouvement de travailleur », explique Philippe D’Astous, qui conseille à ceux et celles qui n’ont pas reçu de promotion de renégocier leur salaire.

Hausse de salaires ou non bien des gens ont profité de cette période inflationniste pour faire une introspection budgétaire.

Que restera-t-il de tout cela ?

« Ç’a amené des gens à prendre conscience de comportements qui pouvaient les mettre à risque », dit Éric Mac Nicoll, cofondateur de Kaira Technologies, qui offre du coaching financier par l’entremise des entreprises, notamment en amenant les gens à mieux comprendre leurs habitudes de consommation.

« On a vu des changements de comportements qui n’ont pas pénalisé les gens », poursuit Éric Mac Nicoll. Par exemple, on va recevoir des amis à la maison plutôt que d’aller manger au restaurant. « Les gens n’ont pas arrêté de vivre, ils ont changé leurs habitudes. »

Selon lui, une partie de ces nouvelles façons de faire va durer. Mais tout aussi important, le contexte économique a ouvert un dialogue : les gens se sont mis à parler d’argent et de stress financier. « Ç’a ouvert une conversation, dit Éric Mac Nicoll. Une vraie conversation. Entre employés, entre employeurs, entre gens de la famille. Pour moi, ça, c’est le gros positif de cette situation. »