(Ottawa) Malgré les critiques qui se multiplient, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, ne croit pas que l’indépendance de l’institution est menacée.

« Cela ne m’inquiète pas du tout », a lancé M. Macklem au cours d’une entrevue réalisée cette semaine par La Presse Canadienne.

Au cours des dernières années, la banque centrale s’est souvent retrouvée sous les feux des critiques, notamment à cause de ses politiques pour relancer l’économie en temps de pandémie et du resserrement rigoureux de sa politique monétaire pour lutter contre l’inflation.

« Oui, on soulève des questions difficiles. Les gens doivent nous poser des questions difficiles, mais je n’ai aucune crainte pour notre indépendance », a déclaré M. Macklem.

Depuis le mois de mars, la Banque du Canada a haussé son taux directeur six fois d’affilée, mettant ainsi en œuvre l’un de ses cycles de redressement de la politique monétaire les plus rapides de son histoire.

Elle espère de cette façon combattre une inflation qui a atteint un plateau inégalé depuis au moins quatre décennies. En septembre, le taux d’inflation annuel s’élevait à 6,9 % au pays, une baisse de 1,2 point de pourcentage depuis juin.

Une politique remise en question

Cette politique a aussi été remise en question par des progressistes qui s’inquiètent des conséquences sur l’emploi. Plusieurs observateurs croient que cette tendance à la hausse des taux d’intérêt provoquera une récession.

Par exemple, le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a écrit, dans une lettre transmise au premier ministre Justin Trudeau que s’il appuie l’indépendance de la Banque du Canada, il prévient qu’une autre hausse des taux d’intérêt « aura de graves répercussions sur les familles ».

Mais les critiques de M. Singh n’ont pas empêché la banque centrale d’augmenter mercredi son taux directeur d’un demi-point de pourcentage et de prévenir qu’elle pourrait le faire de nouveau.

Au cours de son point de presse, M. Macklem a dit que la Banque du Canada devait prendre des décisions difficiles. C’est à un moment comme cela que son indépendance devient plus importante.

Il a répété ce propos au cours de son entrevue à La Presse Canadienne.

« De nombreuses personnes nous donnent des conseils sur ce qu’on doit faire », a mentionné M. Macklem.

Mais il existe une raison pour laquelle les banques centrales doivent conserver leur indépendance, ajoute-t-il.

« Cette raison, c’est que nous devons prendre des décisions difficiles et qu’on doit les considérer à long terme. Quand les temps sont difficiles, on peut constater l’importance de l’indépendance des banques centrales. »

Critique de Poilievre

L’un des plus grands pourfendeurs de la Banque du Canada est le chef de l’opposition, le conservateur Pierre Poilievre. Celui-ci a notamment condamné son programme d’obligations gouvernementales au début de la pandémie.

Il prétend que la Banque du Canada a imprimé de l’argent pour permettre au gouvernement fédéral de mettre en œuvre des programmes d’aide, ce qui aurait alimenté l’inflation. M. Poilievre a promis de congédier M. Macklem au cours de sa campagne pour devenir chef du Parti conservateur du Canada. Toutefois, rien dans la loi ne lui donne ce pouvoir.

Tiff Macklem a été nommé par le conseil d'administration de la Banque du Canada. Cette nomination a ensuite été approuvée par le gouverneur en conseil. Son mandat de sept ans doit se terminer en juin 2027.

Dans son plus récent rapport sur la politique monétaire, la Banque du Canada a révisé ses projections économiques. Elle tient désormais compte d’un ralentissement économique mondial marqué.

« La croissance devrait ensuite décélérer pour s’établir entre 0 et 0,5 % jusqu’à la fin de 2022 et au premier semestre de 2023. Cela donne à penser que, durant quelques trimestres, la croissance pourrait tout aussi bien être un peu en deçà de zéro qu’être légèrement positive », peut-on lire dans le rapport.

Les syndicats canadiens condamnent eux aussi la politique de la Banque du Canada.

« La Banque du Canada est déterminée à faire plonger l’économie dans une récession, quelles que soient les répercussions sur les Canadiennes et Canadiens qui pourraient perdre leur emploi, leur maison et leur qualité de vie », a déclaré la présidente du Congrès du travail du Canada, Bea Bruske, après la plus récente hausse du taux directeur.

« Les syndicats du Canada demandent à la Banque du Canada de cesser de relever les taux d’intérêt jusqu’à ce que l’impact des mesures antérieures prises par les pouvoirs publics soit clair », a-t-elle ajouté.

M. Macklem a expliqué que la banque centrale tente de bien peser les risques quand elle augmente son taux directeur. Si elle se montre trop timorée, les Canadiens pourraient souffrir de l’inflation pendant une plus longue période.

« Je suis tout à fait conscient que la Banque du Canada a beaucoup d’effets sur la vie des Canadiens, particulièrement en ce moment. Et c’est une très grande responsabilité. »

Le gouverneur reconnaît que la banque centrale doit être transparente dans ses décisions et établir auprès de la population la confiance que l’inflation va chuter.

« J’aimerais y parvenir plus rapidement, mais nous finirons par y parvenir. »