La marche de l’économie mondiale ralentit et pourrait s’arrêter complètement, handicapée par la guerre en Ukraine, l’inflation et le resserrement du crédit. Ça va mal partout, sauf en de très rares endroits du globe.

L’Arabie saoudite est l’un de ces endroits. Le pays coiffera l’Inde au classement des économies les plus performantes cette année. Le royaume pétrolier est en voie de connaître sa croissance économique la plus forte des 10 dernières années.

C’est grâce, bien sûr, à l’envolée des prix du pétrole. En 2022, à cause de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et du boycottage du pétrole russe, le prix du brut a dépassé les 100 $ US le baril pour la première fois depuis 2008.

La fièvre s’est calmée, mais le baril est tout de même en hausse de près de 20 % depuis le début de l’année.

L’économie saoudienne dépend presque entièrement de ses exportations de pétrole et surfe évidemment sur la hausse des prix, mais pas seulement. C’est le Fonds monétaire international (FMI) qui le dit.

Le pays a entrepris des réformes qui commencent à porter leurs fruits. Quand on dépend à ce point d’un seul produit, il y a lieu de s’inquiéter quand le reste du monde affiche sa volonté de s’affranchir du pétrole et le prouve en investissant massivement dans les énergies renouvelables.

Des tentatives de diversification sont donc amorcées au pays de Mohammed ben Salmane, qui veut développer le tourisme, faciliter la vie des entreprises privées et attirer les investissements étrangers.

Toutes sortes de mesures ont donc été mises de l’avant pour y parvenir. Certaines d’entre elles visent à encourager les femmes à intégrer le marché du travail. De l’aide financière est offerte pour le transport des femmes vers les lieux de travail et des incitatifs sont offerts pour les entreprises qui les embauchent.

Et ça semble avoir des résultats. Selon le FMI, la part des femmes qui travaillent a doublé depuis quatre ans et elles comptent maintenant pour 33 % de la main-d’œuvre totale. Vu de chez nous, ça reste très peu, mais c’est tout de même supérieur à la moyenne du Moyen-Orient (27 %) ou de l’Afrique du Nord (27 %).

Une discipline nouvelle

L’autre changement qui a un impact positif sur l’économie saoudienne, selon le FMI, c’est que les finances publiques sont mieux gérées. En d’autres mots, le royaume réussit à ne pas faire exploser ses dépenses quand le prix du pétrole est élevé pour ensuite être obligé d’emprunter quand les cours s’effondrent.

Malgré sa richesse pétrolière, le pays est un abonné des déficits budgétaires, et le surplus prévu cette année sera le premier depuis neuf ans.

Dans un pays où tout ou presque doit être importé, cette discipline nouvelle a permis de maintenir l’inflation sous la barre des 3 %, un exploit que seulement deux autres pays ont réalisé cette année, la Chine et le Japon.

En même temps, le pays est actif sur les places boursières du monde, où il investit ses profits dans les secteurs d’avenir. Selon Bloomberg, le fonds souverain saoudien qui récolte les revenus du pétrole a profité de la chute récente des marchés pour investir 7 milliards US dans des entreprises américaines comme Amazon et Alphabet.

L’Arabie saoudite compte profiter encore longtemps de la manne pétrolière. C’est ce qu’il faut comprendre de la décision de l’OPEP+ de réduire sa production afin de maintenir les prix. Principal producteur au sein de l’organisation, le royaume pourrait produire du pétrole pendant encore 75 ans, estiment les analystes.

La réduction de la production fera augmenter les prix à la pompe, au grand dam du président des États-Unis qui s’était même déplacé en Arabie saoudite pour réclamer exactement le contraire, soit une hausse de la production pour soulager les consommateurs américains.

La décision de l’OPEP+ peut être vue comme une rebuffade envers les États-Unis et un appui à la Russie. Mais elle sert d’abord les propres intérêts de l’Arabie saoudite et des autres pays du golfe Persique.

À plus long terme, les pays producteurs de pétrole n’ont pas intérêt à faire grimper les prix indûment et à accélérer ainsi la transition énergétique. Ils veulent avoir plus de temps pour se préparer à l’après.