(Ottawa) Coup de théâtre : alors que le gouvernement Trudeau s’apprêtait à dévoiler ses contre-mesures aux tarifs douaniers « injustes » de 10 % sur les exportations canadiennes d’aluminium, l’administration Trump annonce leur suspension. Une volte-face qui permet aux libéraux de pousser un grand soupir de soulagement.

La résolution du litige commercial a été annoncée par voie de communiqué par le Bureau du représentant américain au commerce (United States Trade Representative, ou USTR). La paix est intervenue après que « les États-Unis ont déterminé que le commerce d’aluminium non allié sous forme brute devrait revenir à la normale dans les quatre derniers mois de 2020, les importations ayant chuté de façon draconienne par rapport aux augmentations constatées plus tôt dans l’année », a indiqué le USTR.

Ces conditions étant réunies, « les États-Unis vont modifier les termes des tarifs de 10 % imposés depuis le mois d’août sur l’aluminium non allié sous forme brute », a-t-on noté dans la déclaration qui a été publiée sur un site web gouvernemental américain quelques heures à peine après que Justin Trudeau eut annoncé qu’Ottawa s’apprêtait à lever le voile sur ses mesures de représailles.

« Nous allons prendre action pour contrer les tarifs injustes sur notre aluminium que les États-Unis ont imposés. On va toujours être là pour protéger nos travailleurs dans le secteur de l’aluminium », balançait mardi matin lors d'un bref point de presse le premier ministre à son arrivée au deuxième jour de la retraite de son cabinet à Ottawa.

Quelques heures plus tard, sa nouvelle ministre des Finances, Chrystia Freeland, a crié victoire. « C'est une bonne décision. C'est une bonne décision pour l'industrie et les travailleurs canadiens ainsi que pour l'industrie et les travailleurs américains [...] Le Canada salue ce changement de position », a-t-elle lancé en conférence de presse, parlant de la levée de ces tarifs « illégaux et injustifiés ».

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La ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland.

Cette décision était une erreur « dès le départ », a argué la vice-première ministre, qui a été la maître d’oeuvre de l’enjeu des négociations commerciales avec le voisin du sud depuis l’arrivée de Donald Trump. Mais ces réjouissances s'assortissent d'un avertissement : le Canada n'hésitera pas à imposer ses contre-mesures si le gouvernement américain revient à la charge avec ces tarifs, a martelé Mme Freeland.

Ottawa reste sous surveillance

C'est que la décision américaine n’est pas immuable, et elle est tributaire d’une limitation des exportations, prévient le USTR dans le même communiqué. « Si les cargaisons dépassent les 105 % du volume attendu pour n’importe à n’importe quel moment pour cette période de quatre mois, les États-Unis imposeront le tarif de 10 % de façon rétroactive sur tous les envois effectués pendant ce mois. »

Et on fera le point à la fin 2020. « Les États-Unis consulteront le gouvernement canadien à la fin de l’année pour évaluer l’état du commerce de l’aluminium à la lumière des tendances commerciales observées pendant la période de quatre mois, ainsi que les prévisions du marché pour 2021 », précise Washington dans cette déclaration surprise.

« Excellente nouvelle ! »

Le député bloquiste de la circonscription de Lac-Saint-Jean, Alexis Brunelle-Duceppe, s’est réjoui de ce dénouement. « Excellente nouvelle ! », a exprimé sur son compte Twitter l’élu d’une région où se trouvent plusieurs alumineries.

L’Association de l’aluminium du Canada (AAC) a aussi exprimé sa satisfaction sur le même réseau social, prenant soin de mentionner que la crise de la COVID-19 a été difficile pour le secteur de l’aluminerie au pays.

Même contentement du côté de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, où le président et chef de la direction Michel Leblanc a tenu à applaudir Chrystia Freeland. « Bravo au gouvernement du #Canada et à la ministre @cafreeland. Il fallait bien manœuvrer pour obtenir ce résultat. C’est une excellente nouvelle pour le secteur de l’aluminium et pour l’économie du Québec », peut-on lire sur son compte Twitter.

Retour au cours normal du libre-échange

En vertu de cette annonce, le matériau sera transigé en fonction du principe de libre-échange, c'est-à-dire sans tarifs à la frontière, et ce « rétroactivement au 1er septembre », spécifie le USTR. Les tarifs sur l’aluminium avaient été mis en œuvre en dépit du fait que le nouvel ALENA (l'Accord Canada-États-Unis-Mexique, ou ACEUM) était en vigueur depuis le 1er juillet.

Face à ce deuxième affront à l’industrie canadienne de l’aluminium en l’espace de deux ans (Washington avait imposé en 2019 des tarifs sur l’acier [25 %] et l’aluminium [10 %] ensuite levés en mai 2019), le gouvernement Trudeau avait concocté une liste de sanctions pour frapper une série de produits américains tarifs réciproques de 10 %.

La riposte devait être de l’ordre de 3,6 milliards de dollars, selon ce que les libéraux avaient indiqué au mois d’août dernier. La liste provisoire d'Ottawa comprenait de nombreux produits américains qui contiennent de l’aluminium comme des vélos, des jantes, des accessoires de tuyauterie, ou encore des portes et des fenêtres, par exemple.