Il suffit de consulter brièvement des groupes consacrés aux finances personnelles sur Facebook pour tomber sur des témoignages de femmes qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Elles ont coupé autant que possible dans le gras, jurent-elles, mais avec les enfants et l’inflation, leur budget mensuel est déficitaire.

Souvent, ces mères viennent de se séparer, parfois elles sont trop malades ou occupées à veiller sur leurs enfants pour travailler à temps plein. Les causes de leur stress financier varient, mais les récits sont toujours malheureux.

Ce qui est touchant, c’est que beaucoup de femmes font preuve de solidarité et d’empathie. « Je te comprends, je suis passée par là moi aussi après ma séparation, mais tu vas voir, les choses vont se placer », lit-on immanquablement. C’est le côté sucré des réseaux sociaux. On s’empresse aussi de partager des tonnes de trucs et de conseils pour réduire les factures, d’autres pour augmenter les revenus. « Tu as pensé faire un retour aux études ? », « N’oublie pas que des allocations familiales vont augmenter ! »

Quand on sait que 46 % des Québécoises qui travaillent ont un revenu annuel de moins de 30 000 $, il ne faut pas s’étonner de leur précarité financière. Leur équilibre peut rapidement basculer.

Aussi faut-il dire que dans 77 % des familles monoparentales, le parent est… une femme et que cette femme gagne en moyenne 1091 $ par semaine, ce qui est nettement moins que les hommes (1514 $) dans la même situation.

Cela ne veut pas dire que les hommes ne se retrouvent jamais dans l’impasse financière. Mais force est de constater que certains facteurs désavantagent particulièrement la santé financière des femmes.

D’ailleurs, lundi dernier, le prix Nobel d’économie a été remis à Claudia Goldin, une économiste américaine de 77 ans qui a consacré sa carrière aux inégalités salariales persistantes entre les sexes. Son travail digne d’un détective, selon le jury, a notamment permis de conclure que c’est à la naissance du premier enfant que l’écart survient en grande partie.

Qu’est-ce que Lise Watier vient faire dans toutes ces histoires ?

Je l’ai contactée pour qu’elle me parle de l’autonomie financière des femmes, un enjeu qui lui tient tellement à cœur qu’elle a créé une fondation dont c’est la raison d’être. « C’est important ! Sans indépendance financière, tu n’as pas de liberté de choix, ça fait que tu dois accepter l’inacceptable », m’a-t-elle dit au cours d’une sympathique rencontre virtuelle.

Pour « donner des lignes à pêche plutôt que des poissons », sa fondation a créé le programme « s’Entreprendre » qui accompagne gratuitement les femmes de trois manières.

Le parcours le plus populaire propose de la formation et même du microcrédit pour le lancement d’une entreprise. Le deuxième offre de l’aide financière pour retourner aux études et obtenir un diplôme dans un temps raisonnable, ce qui n’est pas facile lorsqu’on doit aussi s’occuper d’enfants et travailler. Le troisième parcours s’articule autour de la recherche d’un meilleur emploi.

Dans tous les cas, la cohorte commence par suivre huit semaines d’ateliers pour développer son potentiel professionnel, sa confiance, découvrir ses possibilités. Cette partie fait toute la différence. Il faut dire qu’on manque encore de modèles pour se convaincre de nos possibilités. Seulement 5 % des entreprises canadiennes cotées en Bourse sont dirigées par une femme. Quant aux postes d’administrateurs, 27 % sont occupés par des femmes, selon l’Autorité des marchés financiers.

Le printemps prochain, à la fin de la présente année scolaire, s’Entreprendre aura aidé 1000 femmes avec son programme adapté à la réalité féminine, tant dans le contenu que dans la façon d’enseigner. L’une d’elles a particulièrement marqué Lise Watier. « Elle a élevé six enfants, elle est financièrement autonome maintenant. Elle emploie même deux de ses enfants qui sont autistes. Elle a acheté une ferme après avoir fait son cours. »

Cette femme, c’est Dominique Nadeau. L’entrepreneure de 48 ans est sans équivoque : « tout » a changé dans sa vie grâce au programme de la Fondation Lise Watier, qu’elle a découvert en googlant. Après avoir été pendant 20 ans une « maman à la maison pour six enfants » qui vivait grâce au salaire de son conjoint, elle voulait avoir « la fierté » de générer un revenu. Mission accomplie. Son entreprise de tisanes Les Fées Sorcières lui permet de gagner sa vie et d’employer trois autres personnes.

Si ça a fonctionné, c’est parce que le plan d’affaires qu’elle a créé pendant sa formation tenait vraiment compte de sa réalité de mère.

PHOTO FOURNIE PAR DOMINIQUE NADEAU

Dominique Nadeau, diplômée de s’Entreprendre et propriétaire de l’entreprise Les Fées Sorcières

Comme femme, on doit jongler avec plusieurs balles. La charge mentale est grande. Dans mon plan précédent, qui n’a pas fonctionné, la place de mes enfants n’était pas prévue. Il faut être là pour les soupers, les devoirs. Tu ne peux pas juste te partir une compagnie et te dire que tu vas travailler 90 heures par semaine.

Dominique Nadeau, diplômée de s’Entreprendre et propriétaire de l’entreprise Les Fées Sorcières

D’autres femmes ont besoin d’un coup de pouce financier pour retourner aux études et améliorer leur sort. Parfois, quelques milliers de dollars suffisent pour changer… deux vies. Marie-Lise Andrade, PDG de la Fondation et fille de Lise Watier, m’a raconté l’histoire d’une maman qui a connu la rue et qui voulait s’en sortir. Avec l’aide financière de la Fondation, elle a fait un baccalauréat. Après avoir obtenu sa maîtrise, elle a décroché deux bourses pour son doctorat. Et voilà qu’elle enseigne à l’Université de Sherbrooke tout en terminant ses études. « On a aidé cette femme et sa fille aussi… », s’émeut-elle, avec raison.

Au moment où le stress financier atteint des sommets inégalés dans bien des maisonnées, il fait bon de savoir qu’il existe des bouées de sauvetage et tout un réseau de femmes prêtes à en aider d’autres dans une vision à long terme.

Consultez le site de la Fondation Lise Watier