(Bromont) La capacité de calcul surmultipliée de l’ordinateur quantique IBM Quantum System One de Bromont est maintenant opérationnelle et elle est déjà utilisée par cinq entreprises et start-up qui souhaitent pousser plus loin des concepts que l’informatique classique ne leur permet pas de faire. J’ai eu la chance de voir la machine et de me retrouver subitement en plein dans le film 2001 : l’odyssée de l’espace.

Installé dans un local vitré, situé au rez-de-chaussée de l’usine de fabrication de semi-conducteurs d’IBM à Bromont, le superordinateur quantique offre une image épurée à l’extrême. On voit essentiellement une cuve métallique high tech rattachée au plafond et éclairée de façon futuriste.

J’ai eu l’impression de me retrouver devant HAL, l’ordinateur de mission qui gère l’équipage du vaisseau spatial qui se dirige vers Jupiter dans le film de Stanley Kubrick, sorti en 1968. L’acronyme HAL est d’ailleurs composé à partir de chacune des lettres qui précèdent dans l’alphabet celles du nom IBM…

La cuve métallique cache en fait des arborescences qui partent de sa base cylindrique qui abrite un réfrigérateur qui maintient à une température de -270 degrés Celsius la supraconductivité de l’ordinateur quantique. L’ordinateur comme tel est calé au fond du cylindre, couvre une superficie de 1 cm sur 1 cm et est pourtant capable de générer une puissance de 127 qubits (quantum bit).

« Mais ce qu’on ne voit pas se trouve dans la salle derrière où il y a tous les équipements de pompage et les systèmes électriques », m’explique Marie-Ève Boulanger, gestionnaire de programme de la Plateforme d’innovation numérique et quantique PINQ⁠2, qui gère le superordinateur quantique IBM Quantum System One.

PINQ⁠2 est une initiative de l’Université de Sherbrooke et du gouvernement du Québec qui a payé 68 millions pour acquérir pour les cinq prochaines années les droits d’usage du superordinateur quantique afin d’en faire profiter les entreprises québécoises qui veulent pousser plus loin leur expertise, notamment dans les secteurs de l’énergie, des sciences de la vie ou du développement durable.

Marie-Ève Boulanger a fait sa thèse de doctorat à l’Université de Sherbrooke, sous la direction du professeur Louis Taillefer, sur les matériaux quantiques et la supraconductivité. C’est dans cet environnement qu’on se retrouve à Bromont, à quelques pas de la science-fiction.

Déjà 2 milliards d’opérations

La supermachine quantique d’IBM a été inaugurée en grande pompe vendredi dans l’usine de semi-conducteurs du géant américain de l’informatique à Bromont par le ministre du Développement économique, Pierre Fitzgibbon, et de nombreux invités et spécialistes.

Déjà utilisé par cinq entreprises et start-up, l’ordinateur quantique est opérationnel depuis juillet et a réalisé plus de deux milliards d’opérations à ce jour. Un nombre qui va aller en accélérant, selon son directeur général, Éric Capelle, qui anticipe qu’une dizaine d’autres entreprises vont joindre PINQ⁠2 au cours de la prochaine année pour profiter de ses capacités de calcul.

« On propose un environnement hybride avec de l’informatique classique et quantique et en infonuagique. On a beaucoup de projets de développement de médicaments où les entreprises ont atteint leur limite de puissance. Pour simuler des molécules, c’est plus facile de le faire avec un ordinateur à base d’atomes », explique Éric Capelle.

L’offre de soutien quantique de PINQ⁠2 se déploie de trois façons. Dans un premier temps, on démarre avec une offre de preuve de concept pour déterminer si le quantique peut faire avancer de façon significative un projet.

Puis, on propose une étape d’accélération où on va recourir à des spécialistes universitaires pour mettre au point des solutions industrielles avant de passer au stade de l’innovation en profitant des laboratoires de recherche d’IBM à New York pour aller plus loin encore.

À Bromont, c’est la puissance de calcul que l’on offre, mais on accompagne les entreprises à toutes les étapes.

Éric Capelle, directeur général du PINQ2

Outre la santé, l’environnement et l’énergie, l’informatique quantique est populaire dans le secteur de l’aéronautique et dans le monde de la finance.

Deux institutions financières québécoises (on présume qu’il s’agit de Desjardins et de la Banque Nationale…) travaillent d’ailleurs sur une preuve de concept pour la détection des fraudes par carte de crédit, et l’informatique quantique peut les aider à aller plus loin dans le développement d’un modèle d’intervention.

L’informatique quantique est encore en stade de développement, convient la spécialiste Marie-Ève Boulanger, mais sa puissance ne va qu’en augmentant. La capacité de 127 qubits du superordinateur de Bromont va être bientôt supplantée par un nouveau modèle à 433 qubits, mais c’est la qualité de qubit qui fait la différence, m’explique-t-elle.

« Un bon réseau est constitué de qubit logique qui a une capacité à résoudre des problèmes plus rapidement que les algorithmes classiques. On a déjà une capacité de calcul surmultipliée et ça va se développer encore rapidement », prévoit Marie-Ève Boulanger.