Les États-Unis deviennent le deuxième pays, après Singapour, à autoriser la commercialisation de la viande cultivée en laboratoire. Même si certaines personnes éprouvent de la répugnance pour le concept de la viande cultivée, il est très probable que cette viande émerge en tant que technologie perturbatrice, apportant un immense potentiel pour l’avenir.

Une étape marquante a été franchie au sein de l’industrie de la viande cultivée, avec l’approbation réglementaire accordée par le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) à GOOD Meat et à UPSIDE Foods pour la distribution commerciale de leurs produits de poulet de laboratoire. La viande cultivée désigne des produits à base de viande, fabriqués à partir de cellules animales cultivées en laboratoire, offrant une solution potentielle aux défis environnementaux et éthiques liés à la consommation de viande traditionnelle.

Au départ, la disponibilité de viande cultivée aux États-Unis sera limitée et introduite progressivement, en approvisionnant quelques restaurants sélectionnés. On prévoit une commercialisation à grande échelle dans une dizaine d’années, mais la nature perturbatrice de cette technologie est indéniable et deviendra de plus en plus évidente avec le temps.

Les avantages de la production de viande dans un environnement contrôlé et stérile sont considérables. Les risques associés à la production de viande traditionnelle, comme les épidémies de grippe aviaire qui ont gravement affecté l’industrie avicole, seraient atténués.

Les récentes épidémies de grippe aviaire ont entraîné la perte de plus de 70 millions de poulets aux États-Unis et ont entraîné une augmentation importante du prix des œufs. La viande cultivée réduit également la probabilité de rappels de produits en raison de la contamination par la salmonelle. Les préoccupations liées au bien-être animal deviennent minimales, même si l’utilisation de cellules souches dérivées d’animaux vivants reste encore nécessaire. De plus, la production de viande cultivée élimine le besoin des ressources habituelles en alimentation et en eau pour l’élevage de ces volailles.

PHOTO PETER DASILVA, ARCHIVES REUTERS

Un employé dans les installations d’UPSIDE Foods, en Californie

On comptabilise des investissements dépassant les 3 milliards de dollars dans près de 160 entreprises spécialisées dans le développement de produits protéiques cultivés, uniquement aux États-Unis. Le Canada compte également plus d’une douzaine d’entreprises du même type. Parmi les investisseurs figurent des acteurs majeurs du domaine de la viande, notamment Cargill et Tyson Foods, ainsi que l’USDA. De plus, près de 1 milliard de dollars ont été investis dans des produits de fruits de mer cultivés en laboratoire.

Avec l’approbation récente de l’USDA, les États-Unis rejoignent Singapour en tant que seuls pays où la viande cultivée a reçu une approbation réglementaire pour faire son entrée sur le marché. On estime que le prochain pays à approuver la viande cultivée émergera probablement d’Asie, avec la Corée du Sud et la Chine en tant que principaux prétendants. En Europe, les réalisations précoces des Pays-Bas dans la production du premier burger de viande cultivée en 2013 pourraient ne pas faire de différence, car l’approbation réglementaire en Europe devrait représenter un défi.

Au Canada, des inquiétudes subsistent quant à l’approbation éventuelle de la viande cultivée dans le pays. Le cadre réglementaire canadien complexe, principalement en raison du régime de gestion de l’offre qui régit la production de produits laitiers, de volaille et d’œufs, rend le processus d’approbation difficile.

Cette politique, qui implique des quotas gouvernementaux d’une valeur de plus de 30 milliards de dollars pour la production de protéines animales, devrait présenter une résistance importante à l’introduction de techniques de production contemporaines. Les groupes de pression associés à ces industries exercent une influence considérable. Par conséquent, ils ont le pouvoir de freiner l’adoption de ces méthodes de production innovantes au Canada pendant une période considérable. L’adoption d’une réglementation à cet égard suivra donc une trajectoire probablement similaire à celle de l’approche européenne.

En fin de compte, l’acceptation de la viande de laboratoire dépend largement de l’attitude des consommateurs. De nombreux Canadiens éprouvent une certaine réticence à consommer de la viande cultivée, principalement en raison d’un sentiment de dégoût ou de scepticisme, la qualifiant de « fausse viande ».

Cependant, il devient essentiel de reconnaître que la viande cultivée est loin d’être « fausse », et les arguments en faveur de son adoption se renforcent chaque jour.

La composition physiologique de la viande cultivée est identique à celle de la viande traditionnelle. Le poulet cultivé, la seule variété approuvée à ce jour, offre le même goût et la même texture que le poulet produit de manière traditionnelle – exactement les mêmes.

Un étiquetage clair jouera un rôle crucial dans la garantie de la transparence pour les consommateurs, leur permettant de distinguer la viande de laboratoire de la viande traditionnelle. Essentiellement, il ne faut pas répéter les erreurs commises par le passé avec le génie génétique et les organismes génétiquement modifiés (OGM), où les avancées technologiques n’étaient pas révélées aux consommateurs, entraînant des conséquences négatives. Le succès de la viande de laboratoire passe assurément par une très grande transparence.