Si on ne peut échapper à la hausse substantielle des taux hypothécaires au moment de renouveler son prêt, il existe des stratégies pour profiter d’une éventuelle baisse.

La première consiste à magasiner, plutôt qu’à accepter de signer pour le « 5 ans fixe » d’une grande banque sans trop réfléchir. Les courtiers hypothécaires vous le diront : on peut trouver mieux que cette option qui fut celle par défaut pendant des décennies. Il ne faut donc pas hésiter à être infidèle à son institution financière et à mettre de côté ses vieux réflexes.

Certes, le magasinage d’un prêt hypothécaire se trouve tout en bas de la liste des activités estivales les plus agréables, avec le ménage minutieux du cabanon. Mais l’exercice pourrait se transformer en milliers de dollars d’économies, dans quelques années.

Quelle est la stratégie des experts ?

On choisit davantage le prêteur que le taux d’intérêt en ce moment. Plus que jamais, le choix du prêteur prend tout son sens.

Véronique Caron, courtière hypothécaire chez Multi-Prêts

Comme ses confrères, elle préconise les contrats dont les pénalités pour rupture sont faibles.

Ainsi, en cas de baisse des taux hypothécaires dans deux ou trois ans, par exemple, il pourra être avantageux de résilier le contrat avant l’échéance et d’en signer un nouveau.

Les grandes banques que tout le monde connaît, celles qui ont pignon sur rue, sont désavantagées dans cette recherche d’un prêteur « flexible ». Car leur manière de calculer la pénalité nuit aux consommateurs.

« Je ne ferais pas du 5 ans fixe avec des banques traditionnelles », tranche d’ailleurs Philippe Béland, qui possède son propre cabinet de courtage affilié à Consortium Hypothécaire. Il préfère, lui aussi, les prêteurs dits « virtuels ».

En règle générale, la pénalité équivaut à trois mois d’intérêt ou au « différentiel du taux d’intérêt », selon la formule qui donne le montant le plus élevé. Pour faire le calcul, les grandes banques canadiennes utilisent le taux affiché au moment de la prise du prêt hypothécaire, tandis que les prêteurs non bancaires (virtuels) utilisent le taux d’intérêt inscrit dans le contrat, normalement moindre au terme de négociations.

Forcément, cela crée un énorme fossé dans les pénalités, surtout quand les taux descendent beaucoup. De plus, la façon de faire des banques complique la prise de décision. « Même nous, on n’est pas capables de faire le calcul, car on ne connaît pas le taux affiché », affirme le courtier hypothécaire et cofondateur d’apoint Hypothèque, Simon Lupien. Imaginez alors la complexité pour le commun des mortels qui ne baigne pas là-dedans tous les jours !

Le « 5 ans fixe » des prêteurs virtuels – qui ne sont pas plus risqués, contrairement à ce que leur nom peut laisser croire – est généralement l’option privilégiée par les premiers acheteurs, plus jeunes et moins riches. Ceux-ci cherchent de la stabilité, de la prévisibilité, et le plus petit paiement possible. On les comprend, vu les circonstances.

Une autre stratégie consiste à choisir un terme plus court que le traditionnel cinq ans.

Les hypothèques de trois ans sont d’ailleurs très populaires en ce moment, même si le taux est plus élevé que celui des hypothèques d’une durée de cinq ans. C’est un pari. Les propriétaires misent sur le fait qu’après avoir payé des intérêts « en surplus » pendant ces trois ans, ils pourront ensuite bénéficier d’un taux assez faible, au cours de la quatrième et de la cinquième année, pour compenser. Et que, tout compte fait, ils auront économisé.

Certains propriétaires ont même espoir que les taux baissent encore plus vite. Ils entendent parler de récession imminente et croient que la Banque du Canada va alors baisser le taux directeur. Ils ne signent donc que pour un an ou deux « par optimisation », rapporte Philippe Béland.

C’est la première fois en près de 18 ans de carrière que le courtier observe un tel comportement. Historiquement, ces échéances très courtes étaient uniquement choisies par des personnes qui s’attendaient à vendre leur propriété très rapidement. Cette stratégie demeure toutefois l’exception, selon d’autres courtiers qui préfèrent, et de loin, un terme d’au moins trois ans. Ce qui est quand même court.

Chez nesto, un prêteur hypothécaire établi à Montréal qui s’est d’abord fait connaître pour ses activités de courtage, on observe une soudaine recrudescence de l’intérêt pour les termes de cinq ans, peu importe l’âge des clients. Tout simplement parce que ce taux est maintenant le plus bas. Ce n’était pas le cas encore tout récemment. Avec la hausse du coût de la vie, le budget des ménages est étiré au maximum et tout ce qui compte, c’est d’avoir les paiements mensuels les plus faibles possibles, explique Damien Charbonneau, cofondateur et chef des opérations.

Pour cette même raison, les hypothèques qui permettent d’importants remboursements anticipés, soit jusqu’à 20 % par année, par exemple, ne sont pas particulièrement recherchées.

Mais Simon Lupien raconte qu’il voit des clients reporter leur projet de rénovation ou de changement de véhicule pour réduire le capital dû sur leur propriété.

Dans les dernières années, on refinançait la maison pour des projets. Maintenant, le projet, c’est de rembourser le capital le plus possible. On le voit quand même vraiment beaucoup !

Simon Lupien, courtier hypothécaire et cofondateur d’apoint Hypothèque

Véronique Caron l’observe surtout parmi sa clientèle dans la cinquantaine qui ne veut plus avoir d’hypothèque une fois à la retraite.

Si l’idée de rembourser son prêt au plus vite était peu attrayante lorsque les taux étaient à 2 %, elle devient plus logique maintenant qu’ils tournent autour de 5 %. Ceux qui prévoient un héritage, une hausse salariale ou la fin de leurs paiements de voiture devraient favoriser un prêteur flexible sur les paiements.

Le remboursement anticipé du capital n’est pas à la portée de tous, mais c’est une stratégie qui permet à coup sûr d’économiser sur les intérêts.