Honda envisage un investissement titanesque au Canada dans la filière des batteries, mais contrairement aux autres projets annoncés jusqu’à présent, celui du géant nippon pourrait être scindé entre le Québec et l’Ontario, a appris La Presse.

Ce qu’il faut savoir

Honda envisage un investissement d’électrification d’au moins 15 milliards au Canada.

Son projet pourrait être scindé entre le Québec et l’Ontario, a appris La Presse.

Le Québec est en lice pour une usine de matériaux de cathodes.

Rien n’est encore réglé, mais au moins deux sources au fait du dossier nous ont confirmé que les négociations avec la multinationale japonaise sont sérieuses. Le Québec ambitionne d’attirer tout ce qui entoure la construction de ce qui représente environ 40 % du coût d’une batterie lithium-ion que l’on retrouve dans les véhicules électriques, la cathode. Il s’agit du pôle positif d’une batterie.

La province hériterait ainsi d’une usine de matériaux de cathodes, qui pourrait voir le jour dans le parc industriel de Bécancour, où General Motors (GM) et Ford construisent des complexes similaires. La Presse a pu confirmer ces informations éventées par Radio-Canada.

De son côté, l’Ontario serait en lice pour tout ce qui entoure l’assemblage de batteries, ce qui comprend la fabrication de cellules, ainsi que la construction de véhicules électriques. Il pourrait ainsi se tailler la part du lion quant à l’investissement projeté par le géant japonais, qui serait d’au moins 16 milliards.

Le nom de Honda apparaît au registre québécois des lobbyistes depuis l’été dernier en ce qui concerne la « filière des véhicules électriques ».

« Disons que ce n’était pas une surprise, avait répondu le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, dans une entrevue avec La Presse en janvier dernier, où il avait été interrogé sur l’intérêt de Honda. On a eu des discussions. Qu’est-ce qui va arriver, à ce moment-ci [on ne le sait pas]. »

Les discussions se sont depuis poursuivies et sont devenues beaucoup plus sérieuses, nous confirment nos sources près du dossier. Toutefois, les demandes de Honda sont particulièrement élevées, nous explique-t-on, et le contexte budgétaire fait en sorte qu’il est plus difficile de reproduire des aides financières aussi généreuses que par le passé.

Pour l’usine de cathodes de Ford à Bécancour, le gouvernement Legault avait offert 320 millions sous forme de prêt sans intérêt, dont une bonne partie risque de se transformer en prêt-subvention. Dans le cas de GM, l’aide de Québec atteignait environ 152 millions.

Un hameçon particulier

Dans l’espoir de séduire Honda, le gouvernement Legault étudie la possibilité d’offrir un morceau de sa participation dans Nemaska Lithium, entreprise phare de l’écosystème québécois détenue à 50 % par l’État québécois. La Presse a pu confirmer cette information révélée par le diffuseur public. L’autre moitié de l'entreprise appartient à Arcadium Lithium, une multinationale américaine établie à Philadelphie.

Nemaska Lithium ambitionne de transformer du lithium extrait de la mine de Whabouchi, à environ 300 km de la baie James, pour ensuite produire de l’hydroxyde de lithium – essentiel dans la fabrication des batteries lithium-ion pour véhicules électriques – dans le parc industriel de Bécancour.

La construction de l’usine a débuté et son démarrage est prévu en 2026. La facture totale du projet est évaluée à environ 2 milliards. En étant actionnaire de Nemaska Lithium, Honda s’assurerait un approvisionnement en hydroxyde de lithium. Le géant de l’automobile ne pourrait bénéficier de cette assurance s’il ne s’établit pas au Québec.

D’après la plus récente transaction publique entourant la vente d’actions de Nemaska Lithium, en 2022, la participation de l’État québécois dans cette société frôlerait le milliard de dollars.

Tensions Toyota-Honda ?

La stratégie du gouvernement Legault pourrait cependant faire grincer des dents le copropriétaire de Nemaska Lithium. D’une part, Arcadium souhaite contrôler Nemaska Lithium. D’autre part, le producteur de lithium collabore déjà étroitement avec Toyota, le grand rival de Honda au Japon.

« Nous sommes encore à la recherche de sources supplémentaires de lithium, ce qui peut inclure une nouvelle expansion en Argentine [et] l’augmentation de notre participation de 50 % dans Nemaska Lithium », souligne Arcadium, dans son rapport annuel récemment déposé auprès des autorités boursières américaines.

Cette dernière détient également un droit de premier refus sur toute transaction concernant la vente des actions détenues par le gouvernement québécois dans Nemaska Lithium. Arcadium aurait donc son mot à dire dans l’effort de Québec pour attirer Honda dans la province.

«Arcadium Lithium a déjà indiqué au gouvernement du Québec que nous souhaitons augmenter notre participation dans Nemaska Lithium au-delà de 50 %, a indiqué la compagnie, dans une déclaration transmise à La Presse. Nous n’avons pas changé de position. »

En Argentine, Toyota détient 25 % d’un complexe de production de carbonate de lithium exploité par une entreprise qui appartient à Arcadium. Le concurrent nippon de Honda possède également le quart d’un autre site de production de carbonate de lithium au Japon.

C’est le média Nekki Asia qui avait révélé, en janvier dernier, les plans de Honda au Canada. En Ontario, plusieurs sites sont étudiés par le géant japonais, dont celui où se trouve son usine d’Alliston. Pendant le premier mois de 2024, des représentants de la multinationale japonaise s’étaient déplacés au Canada pour rencontrer des responsables du gouvernement Trudeau afin de discuter notamment de leurs ambitions en territoire canadien.

Avec Francis Vailles, La Presse

En savoir plus
  • 15 milliards
    Valeur totale des projets annoncés jusqu’à présent dans la filière québécoise des batteries
    source : LA PRESSE
    1986
    Année où Honda a commencé à construire des véhicules au Canada
    source : LA PRESSE