Cette semaine, Charles Milliard, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec, répond à nos questions sur le leadership.

Vous avez inauguré récemment le premier service de garderie affilié à une chambre de commerce. Est-ce qu’il y a encore une forte demande pour des CPE en milieu de travail ?

Le manque de places en garderie demeure un enjeu important, et particulièrement dans nos régions. Quand on parle d’occupation du territoire, si on veut que les gens choisissent une région, une ville ou un village, il faut qu’il y ait des places en garderie. Au même titre que le nombre de professeurs de français disponibles ou le nombre de logements abordables, c’est une condition importante pour que les gens choisissent une région plutôt qu’une autre. De voir une chambre de commerce qui se relève les manches, comme la Chambre de commerce et d’industrie de Saint-Félicien, en partenariat avec le CPE et bureau coordonnateur Les Amis de la Culbute, et qui dit on va contribuer à améliorer les conditions gagnantes pour que les gens viennent chez nous, c’est loin d’être anodin. Il y a plusieurs chambres de commerce qui s’intéressent à ce sujet-là. La Chambre de Mégantic et la Chambre de Saint-Hyacinthe ont répertorié les besoins dans la région pour essayer de promouvoir le développement de places atypiques. Pour moi, c’est un signe tangible qu’il faut que la communauté s’implique avec le Ministère pour qu’on arrive à nos fins. En ce moment, il y a encore 32 000 enfants sur les différentes listes d’attente.

Que voulez-vous dire par places atypiques ?

C’est par rapport au modèle traditionnel de CPE. D’avoir des services de garde directement en entreprise ou d’avoir des chambres de commerce qui s’impliquent dans la création d’un CPE, c’est atypique. Avant, il y avait de la rigidité sur les modèles. Le ministère de la Famille donne maintenant la possibilité de faire des projets pilotes, des concepts atypiques pour essayer d’enrayer l’enjeu actuel. C’est un effort de guerre qu’il faut faire pour des raisons familiales, de développement des femmes et des régions. Je constate qu’il y a maintenant une ouverture à la fois sur les lieux où se tiennent les services de garde et sur le genre de services offerts. Nous poussons pour qu’il y ait de plus en plus d’horaires atypiques pour que les parents qui travaillent le soir ou plus tard en fin de journée ne se sentent pas coupables d’avoir des besoins en dehors du 9 h à 17 h traditionnel, qui est la norme depuis 25 ans dans nos services de garde.

Est-ce que vous prévoyez ouvrir d’autres CPE comme celui de Saint-Félicien ?

C’est une initiative locale, c’est un bel exemple à partager, une inspiration plutôt qu’un plan stratégique de développement avec les chambres de commerce. Toutes les forces sociales économiques se sont unies à Saint-Félicien. C’est vraiment un coup de circuit ! C’est au centre-ville et, en plus, dans les locaux de l’église de Saint-Félicien qui est un bijou patrimonial. Donc, on fait vivre le patrimoine bâti du centre-ville d’une ville du Québec. Pour moi, c’est l’exemple parfait. Je sais que ça inspire d’autres chambres de commerce à mettre la main à la pâte, mais je vous rassure, on ne veut pas aller chercher une accréditation pour être CPE agréé au niveau des chambres de commerce. On ne s’ouvre pas une franchise de garderies !

Est-ce que vos membres souhaitent offrir le service en entreprise ?

On a fait un sondage l’an dernier et il y a 33 % des répondants, des entreprises, qui sont intéressés. C’est majeur. Déjà, s’il y avait seulement 10 % des entreprises qui ouvraient un service de garde, on réglerait la situation pour plusieurs milliers d’enfants.

Est-ce qu’il y a des endroits où les CPE sont plus désirés ?

Près d’un parc industriel ou d’une rue principale, où il y a plein de commerces de détail. Ça stimule les entreprises à vouloir faire des partenariats avec leurs compétiteurs pour répondre aux besoins de services de garde. Les gens ont tellement de grands besoins qu’ils sont prêts à collaborer dans le milieu privé pour solutionner ce problème-là.

Le télétravail a-t-il sonné la fin de l’engouement pour les CPE en milieu de travail ?

Non, pas du tout. Le parent, qu’il fasse des rencontres en personne ou en Teams, il doit être aussi attentif et performant à son travail. Ça ne change pas le besoin. Ça change peut-être le rapport à l’hygiène de travail. À la proximité. Si on reste à la maison, le lieu où l’on va conduire son enfant à la garderie risque d’être moins loin que si l’on va au bureau. Mais il reste que les gens doivent rester disponibles à l’emploi. Donc, il n’y a pas de baisse de popularité à cause de ça.

Quels sont les avantages et inconvénients d’un CPE en milieu de travail ?

Ça se combine très bien à l’hygiène de travail et l’hygiène familiale. Il y a un sentiment de sécurité aussi important quand c’est en milieu de travail. Cependant, il faut être capable de bien séparer le travail et la famille. Il y a des gens qui peuvent avoir de la difficulté quand les deux réalités se touchent. Quand on regarde le ratio de risques-bénéfices, il y a beaucoup plus de bénéfices que de risques à développer ce créneau-là dans nos services de garde au Québec.