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Les robots conversationnels deviennent incontournables dans Québec inc. Les cabinets d’avocats, les firmes comptables et même les fonctionnaires québécois utilisent de plus en plus cette technologie pour faire des tâches complexes telles que la correction de textes, la rédaction de contrats ou la manipulation de fichiers Excel.

Les entreprises qui interdisent les robots conversationnels comme ChatGPT à leurs employés verront leur productivité baisser, ou risquent de voir les membres de leurs équipes l’utiliser en cachette, ce qui met en danger leur propriété intellectuelle. Imaginez un ingénieur du secteur de la défense devant livrer un projet crucial, demandant à ChatGPT d’améliorer un code de logiciel. Ou encore, une comptable en période de résultats trimestriels demandant à ChatGPT de parcourir un fichier Excel d’un client inscrit en Bourse pour compiler des colonnes. Ou un haut fonctionnaire aux Finances en période de rédaction du budget demandant à ChatGPT de relire sa copie avant de la soumettre à son ministère.

Le gain de productivité est tel que la tentation pourrait être trop grande pour les professionnels de faire appel à ChatGPT, surtout si leurs concurrents le font également.

Que va faire OpenAI, propriétaire de ChatGPT, de ces données ? L’entreprise se fait rassurante, avec un beau conseil d’administration et une stratégie de communication bien rodée.

Mais les géants de l’internet au début des années 2000 avaient des discours similaires. Deux décennies plus tard, les consommateurs mal informés ont donné leurs informations personnelles aux Google, Facebook ou Twitter sans se rendre compte qu’ils ne pourraient plus en reprendre le contrôle.

C’est le concept du capitalisme de surveillance, terme inventé par l’auteure Shoshana Zuboff : des entreprises technologiques collectent de vastes quantités de données sur les individus grâce à leurs activités en ligne, puis les utilisent pour influencer leur comportement à des fins commerciales.

Aujourd’hui, il y a un risque de capitalisme de surveillance « B2B » : OpenAI est une entreprise qui peut collecter des milliers de données sur d’autres entreprises par l’intermédiaire des requêtes que peuvent faire les employés.

Ces milliers de requêtes et de données sensibles se retrouvent sur des serveurs sur lesquels les entreprises et les gouvernements ont peu de contrôle. Cela ouvre grand la porte aux délits d’initié, aux atteintes à la sécurité nationale ou aux fuites de données massives.

Il est donc impératif pour Québec inc. de prendre des mesures pour protéger ses informations.

Il existe des modèles de langage de source libre (open source) aussi puissants que celui qu’utilise OpenAI et dont le code est transparent. Je les expérimente d’ailleurs régulièrement. Ils sont en train de prendre le dessus. « Mixtral 8x7B », développé par l’entreprise française Mistral, en est un bon exemple. Les utilisateurs peuvent adapter le code de ces modèles selon leurs besoins.

De plus, le Québec a besoin d’une infrastructure en intelligence artificielle (IA) souveraine. Le président de NVIDIA, la firme qui fabrique les processeurs graphiques indispensables à l’IA que l’on retrouve dans les centres de données, a récemment insisté sur cet aspect. Le Canada, la France et le Japon deviennent des clients de plus en plus importants de NVIDIA. C’est le concept d’IA souveraine, nécessaire pour les nations afin de préserver leur culture et leur prospérité. J’espère que le prochain budget du Québec qui sera déposé dans les prochains jours comprendra des fonds pour bâtir une IA souveraine digne de ce nom au Québec.

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