(Ottawa) La Chambre de commerce du Canada demande à Ottawa de lancer une offensive de charme pour défendre les intérêts commerciaux du Canada aux États-Unis avant l’élection présidentielle de novembre.

L’organisme, qui représente des entreprises de différentes tailles de partout au pays, estime que le moment est venu pour les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux de lancer une campagne de sensibilisation coordonnée afin de protéger le commerce transfrontalier entre les deux pays.

Cette campagne, qui impliquerait aussi des entreprises privées, viserait à convaincre les Américains que le Canada représente un partenaire d’exception pour l’économie américaine, avant l’examen statutaire de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) prévu en 2026.

« Washington en est de plus en plus venu à considérer ses relations bilatérales non pas comme stratégiques, mais comme transactionnelles », peut-on lire dans la lettre de la Chambre de commerce datée du 29 décembre. « Ce serait une terrible erreur de croire que nous pouvons attendre jusqu’en 2025 pour garantir la préservation de l’ACEUM. »

La Chambre estime que l’élection présidentielle de 2024 aux États-Unis ne fera qu’encourager les politiciens à proposer des politiques plus protectionnistes, qui mettraient le Canada sur la touche.

Lorsque l’ex-président Donald Trump, élu en 2016, a menacé de déchirer l’accord précédent de libre-échange qui régissait le commerce des États-Unis avec le Canada et le Mexique depuis 1994 (l’ALENA), Ottawa a lancé un effort à grande échelle pour convaincre les Américains que le libre-échange leur était bénéfique.

Des mois d’intenses négociations ont finalement abouti en 2018 à un nouvel accord. L’ACEUM, entré en vigueur deux ans plus tard, comprend une disposition d’« examen et de reconduction » qui établit un cycle de vie de 16 ans et oblige les pays signataires à s’asseoir tous les six ans – en 2026 – pour s’assurer que les trois partenaires sont toujours satisfaits.

S’il n’y a pas de consensus en 2026, une sorte de « mécanisme d’autodestruction » s’activera et l’ACEUM pourrait expirer 10 ans plus tard.

Un « plan d’urgence »

Adam Taylor, consultant en commerce international auprès de la société NorthStar Public Affairs, affirme que les provinces et les entreprises canadiennes pourraient s’associer à Ottawa dans une démarche conjointe. Mais il estime qu’il serait préférable d’élaborer discrètement un plan d’urgence.

Les gens aux États-Unis ont renoncé au libre-échange, à la mondialisation, et ils ont commencé à se replier beaucoup sur eux-mêmes. Et c’est un véritable problème pour d’autres pays qui dépendent beaucoup du commerce, comme le Canada.

Adam Taylor, consultant en commerce international auprès de la société NorthStar Public Affairs

« Nous devrions en être conscients. Je pense que si nous lançons une offensive de charme trop forte et trop tôt, cela pourrait se retourner contre nous : en mettant ces questions à l’avant-plan, on les inscrirait dans la dynamique politique au sud de la frontière. »

M. Taylor, qui a conseillé les gouvernements conservateurs du Canada sur les questions commerciales, croit qu’il est probable que différents ordres de gouvernement au Canada, aux couleurs politiques variées, mettront en place une « approche commune » pour protéger l’économie nationale si Washington commençait à envisager des changements majeurs à l’ACEUM.

Mais il estime que les libéraux fédéraux doivent d’abord faire un meilleur travail pour mettre en valeur les liens profonds qui unissent les deux pays dans des secteurs comme l’armée et le renseignement, afin de se prémunir contre la possibilité que les Américains voient le Canada comme n’importe quel autre partenaire commercial.

Le président Joe Biden a lancé des politiques qui privilégient les entreprises américaines par rapport aux entreprises étrangères – des politiques protectionnistes qui, selon M. Taylor, sont « pratiquement impossibles à distinguer », au fond, de celles de Donald Trump.

L’administration Biden a finalement modifié certaines de ces mesures après que le Canada a mis en garde Washington contre les dommages causés aux flux commerciaux entre les deux voisins. Mais M. Taylor estime tout de même que les deux présidents ont amené les entreprises canadiennes à réfléchir à la possibilité que l’ACEUM soit éventuellement modifié, voire carrément éliminé.

PHOTO PATRICK SEMANSKY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le président Joe Biden a lancé des politiques qui privilégient les entreprises américaines par rapport aux entreprises étrangères

Dans sa lettre, la Chambre de commerce du Canada demande également à Ottawa de se doter de meilleures infrastructures d’exportation, comme des ports en eaux profondes et des terminaux pour le gaz naturel liquéfié, afin que le Canada puisse modifier rapidement sa façon d’exporter ses ressources et ses produits en fonction de la demande mondiale et des changements géopolitiques.

La Chambre souhaite également qu’Ottawa augmente ses dépenses militaires afin d’accroître les chances du Canada de rejoindre des partenariats stratégiques dans des régions comme l’Indo-Pacifique.

Affaires mondiales Canada n’a pas répondu immédiatement à la lettre de la Chambre.