Un client qui menace d’attendre une caissière à la fin de son quart de travail, qui frappe agressivement sur le comptoir pour manifester son mécontentement ou encore qui harcèle une préposée de magasin sur Facebook. Devant la « recrudescence » des cas de manque de respect envers les employés dans les commerces, Détail Québec contre-attaque avec une campagne de sensibilisation.

Ce qu’il faut savoir

  • À la lumière de nombreux témoignages, Détail Québec note une recrudescence des cas de manque de respect de la part de clients envers les employés qui travaillent dans les secteurs du commerce de détail et de l’alimentation.
  • Les employés affectés à la vente, aux caisses et au service à la clientèle, postes majoritairement occupés par des femmes, sont particulièrement touchés par cette crise de la courtoisie.
  • Pour tenter de contrer le phénomène, Détail Québec lance une campagne de sensibilisation à l’aide d’affiches et de macarons.

Affiches et macarons ont donc été produits pour inciter les consommateurs à être plus patients lorsqu’ils font leurs emplettes. L’initiative a par ailleurs été applaudie par les commerçants joints par La Presse, dont plusieurs admettent être confrontés à cette « crise de la courtoisie ».

Des clients désagréables, il y en a toujours eu, convient Manuel Champagne, directeur général de Détail Québec, comité sectoriel de main-d’œuvre du commerce de détail. Mais à la lumière des commentaires entendus l’automne dernier dans un groupe de discussion formé de femmes travaillant dans le commerce de détail, M. Champagne ne mâche pas ses mots : « on a été flabbergastés par les témoignages ». En entrevue, il n’a pas hésité à dire que certains commentaires d’employées « glacent le sang ».

Selon une étude menée en 2022 par le Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT), au Québec, « 33 % des caissières ont révélé avoir été confrontées à des actes de violence de la part de la clientèle, que ce soit par des gestes ou des paroles. Peu d’entre elles se sont senties soutenues », peut-on lire dans un communiqué diffusé par Détail Québec ce mercredi. Les femmes représentent 59 % des 483 530 employés travaillant dans les secteurs du commerce de détail et de l’alimentation.

« On savait qu’il y avait des enjeux, de tout temps, il y a toujours eu des clients plus difficiles. Par contre, on s’est rendu compte que la situation devenait un peu disproportionnée, observe M. Champagne. Il y a vraiment une recrudescence des cas de manque de respect de toute forme dans les magasins. »

« La majorité des clients sont quand même courtois, patients, amicaux, tient-il à souligner. Or, la proportion de clients qui manquent de respect prend de l’ampleur. »

Ce ne sont plus seulement des commentaires mesquins qui sont lancés. On va vers de la violence et du harcèlement.

Manuel Champagne, directeur général de Détail Québec

Les exemples de clients qui menacent une employée retracée sur Facebook ou qui annoncent à des préposées leur intention de les attendre à la sortie du magasin sont des cas bien réels rapportés par des femmes, assure M. Champagne.

Pourquoi la situation s’est-elle envenimée ? « On n’a pas fait d’étude spécifique, répond-il. Mais c’est sûr que la pandémie, avec des restrictions sur le nombre de clients en magasin, les parcours très délimités, le port du masque, le passeport vaccinal, tout ça a fait boule de neige. On se retrouve, même après la pandémie, avec un goût amer qui affecte l’expérience client et même le moral de la main-d’œuvre. »

Le manque de personnel et le contexte économique difficile pourraient également expliquer cette exaspération.

Macarons et affiches à la rescousse

Pour sensibiliser les clients et les inviter à être plus courtois lorsqu’ils font leurs achats, Détail Québec a décidé de lancer une campagne intitulée Ensemble, disons non au manque de respect. À partir de ce mercredi, l’organisation mettra à la disposition des commerçants des affiches et des macarons dont le message et les illustrations invitent clairement à une plus grande courtoisie. Selon M. Champagne, bon nombre de détaillants ont signifié leur intérêt.

  • Aperçu des affiches produites dans le cadre de la campagne Ensemble, disons non au manque de respect

    ILLUSTRATIONS FOURNIES PAR DÉTAIL QUÉBEC

    Aperçu des affiches produites dans le cadre de la campagne Ensemble, disons non au manque de respect

  • Aperçu des affiches produites dans le cadre de la campagne Ensemble, disons non au manque de respect

    ILLUSTRATION FOURNIE PAR DÉTAIL QUÉBEC

    Aperçu des affiches produites dans le cadre de la campagne Ensemble, disons non au manque de respect

  • Aperçu des macarons produits dans le cadre de la campagne Ensemble, disons non au manque de respect

    ILLUSTRATION FOURNIE PAR DÉTAIL QUÉBEC

    Aperçu des macarons produits dans le cadre de la campagne Ensemble, disons non au manque de respect

  • Aperçu des macarons produits dans le cadre de la campagne Ensemble, disons non au manque de respect

    ILLUSTRATION FOURNIE PAR DÉTAIL QUÉBEC

    Aperçu des macarons produits dans le cadre de la campagne Ensemble, disons non au manque de respect

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Chez Décathlon, spécialisé dans les articles et vêtements de sport, l’initiative est accueillie « à bras ouverts ». Depuis plusieurs mois, le détaillant doit gérer des cas de clients qui font la vie dure aux employés. « Il y a des clients qui sont passés de l’autre côté du comptoir pour engueuler mes employés, raconte Émilie Pelletier, directrice des ressources humaines. Il y en a un qui voulait montrer à l’employé comment décrocher un vélo tout en lui disant qu’il ne savait pas ce qu’il faisait. »

Ça devient difficile de servir les gens, ils ont beaucoup moins de patience.

Émilie Pelletier, directrice des ressources humaines chez Décathlon

En plus de différents mécanismes mis en place à l’interne pour aider le personnel à faire face à des situations conflictuelles, notamment avec des codes au micro pour alerter les collègues, les affiches conçues par Détail Québec seront installées dans les huit magasins Décathlon de la province ainsi qu’à l’entrepôt où les clients viennent chercher leurs commandes passées en ligne. Là aussi, la courtoisie n’est pas toujours au rendez-vous. « Si les gens ont à attendre plus que trois ou quatre minutes, on sent l’impatience. »

Club Piscine Super Fitness, même avec un logo illustrant un visage jaune souriant, n’est pas non plus à l’abri de l’impatience marquée de certains clients qui ont déjà hâte de se prélasser dans leur cour. « À partir du mois d’avril, tout le monde veut son chlore et sa piscine en même temps », illustre Véronique Dion, directrice du marketing.

Elle commandera elle aussi affiches et macarons. Mais est-ce que ça sera suffisant ? Déjà, ce genre de message est véhiculé dans les cliniques médicales et même au bout du fil lorsque les consommateurs sont en attente pour obtenir la ligne du service à la clientèle de plusieurs entreprises. « Ça ne peut pas nuire, croit Mme Dion. J’espère que ça va aider. »

Manuel Champagne soutient que le message aura un effet dissuasif. Pour appuyer ses dires, il fait référence à l’affiche qui a jadis illustré la campagne Piquer, c’est voler. Selon lui, la méthode a fait ses preuves.

« Ce n’est pas infaillible, reconnaît-il. On ne va pas régler la situation à 100 %. Mais c’est important pour nous d’en faire part aux consommateurs. »