« Dans le contexte qu’on traverse actuellement, il y a certainement lieu de s’interroger », a répondu jeudi matin le ministre André Lamontagne à une question d’un éleveur de porcs lors d’un évènement public.

La question portait sur les primes versées par Sollio à une centaine d’éleveurs de porcs au moment où la totalité des producteurs vend sa production au rabais dans le but de sauver le transformateur Olymel, propriété de Sollio.

Un éleveur de porcs de l’Estrie, Sébastien Pagé, a profité du passage du ministre de l’Alimentation André Lamontagne au Forum stratégique de la fédération Les Éleveurs de porcs du Québec pour le questionner à ce sujet.

« J’aimerais connaître votre réaction sur les primes qui ont été annoncées par Sollio et vont être données à ses membres seulement avec l’argent de tous les éleveurs de porcs ici au Québec », a lancé M. Pagé au terme de l’allocution du ministre. La Presse a assisté à l’évènement par visioconférence.

« Il ressort deux choses de la situation que vous décrivez, a répondu le ministre à M. Pagé. Un, on s’aperçoit que des producteurs ne sont pas exposés aux mêmes risques que d’autres producteurs. Deux, on s’aperçoit que des producteurs retirent davantage de revenus de marché que d’autres producteurs. Dans le contexte qu’on traverse actuellement, il y a certainement lieu de s’interroger. »

La Presse a demandé au président des Éleveurs de porcs du Québec ce qu’il retenait de la réponse du ministre.

« Quand [le ministre] dit qu’il y a des producteurs qui n’ont pas le même risque du marché à gérer, ça veut dire qu’il y une iniquité à travers cette décision du groupe Sollio », dit Louis-Philippe Roy, 36 ans, producteur naisseur-finisseur de Saint-Michel-de-Bellechasse.

On a tous aidé à la restructuration d’Olymel. Comme président des éleveurs, mon rôle est de défendre l’équité entre les producteurs et c’est ce qu’on dénonce dans la situation de Sollio.

Louis-Philippe Roy, président des Éleveurs de porcs du Québec

Olymel a fait savoir aux Éleveurs, indique M. Roy, qu’elle n’allait pas faire de profit en 2023. Olymel a perdu 390 millions au total, en 2021 et 2022.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Olymel, qui appartient en grande partie à Sollio, est responsable de 80 % de l’abattage de porcs dans la province.

« L’équité n’est pas là »

Depuis le 30 octobre, Sollio groupe coopératif et ses coopératives ont bonifié la prime versée aux éleveurs membres de son réseau d’un montant pouvant aller jusqu’à 3 $ par porc.

En raison de la crise qui ébranle autant les producteurs que les transformateurs de porcs, l’industrie a convenu en avril dernier d’une nouvelle convention de mise en marché en vertu de laquelle les 2500 producteurs de porcs acceptent de vendre leurs bêtes à 85 % du prix marchand américain. Ces jours-ci, cela correspond à un rabais de 18 $ par tranche de 100 kg.

Olymel, qui appartient en grande partie à Sollio, est responsable de 80 % de l’abattage de porcs dans la province.

« Chaque éleveur a contribué, dans les deux dernières années, au repositionnement puis à la restructuration d’Olymel, a souligné M. Roy, dans un entretien. On a mis comme producteur, moi chez nous, j’ai mis 40 $ de rabais, j’ai mis 25 $ de rabais, 5 $ de rabais ; puis après ça, on a signé une convention qui est à 18 $ de moins que la province à côté de chez nous, qui est l’Ontario. Les producteurs ont payé un prix énorme sur leur entreprise. Quand on arrive avec une bonification pour un groupe de producteurs, l’équité n’est pas là », a-t-il dénoncé.

Les pertes financières des éleveurs sont compensées par le Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA), dont les deux tiers du coût des primes sont assumés par les contribuables québécois. En juin, la Financière agricole, qui administre l’ASRA, a annoncé le versement d’une avance de 103,7 millions aux producteurs de porcs. En septembre, ce sont 55 millions de plus qui leur ont été versés.

À noter que la centaine d’éleveurs récompensée par Sollio a droit au cornet à deux boules. Ces éleveurs touchent la même compensation ASRA que les autres producteurs en plus de recevoir la prime de Sollio, a confirmé M. Roy.