Des accords commerciaux qui « font mal ». Une consommation en baisse. Et l’inflation qui oblige les gens à faire des choix. Voilà autant de raisons qui ont poussé les Producteurs de lait du Québec (PLQ) à mettre en valeur les fromages d’ici en mettant au point un système de classification basé sur des pastilles de goût, un peu à l’image du vin à la SAQ.

« On réagit avec différentes tactiques. On sait que les accords commerciaux ont fait mal. On n’a pas encore toutes les données d’impact. Mais on a cédé beaucoup de parts de marché, a reconnu Julie Gélinas, directrice du marketing pour les PLQ, au cours d’une entrevue accordée à La Presse. Si on veut aider les consommateurs à mieux s’y retrouver, c’est évidemment pour essayer de les sensibiliser encore plus [sur l’importance de] sélectionner les produits de chez nous. »

En vigueur depuis 2017, l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne a permis l’entrée de « 17,7 millions de kilogrammes de fromage sur le marché canadien des produits laitiers, par l’attribution de contingents tarifaires », peut-on lire sur le site de l’Association des transformateurs laitiers du Canada.

Ces contingents tarifaires permettent de supprimer totalement ou en partie les droits de douane. Résultat : une fois arrivés au supermarché et dans les fromageries, les produits étrangers peuvent être vendus à plus bas prix, concurrençant directement les fromages locaux, ont dénoncé à maintes reprises les producteurs de la Belle Province.

Par ailleurs, en un an, l’appétit des Québécois pour le fromage, peu importe sa provenance, a légèrement diminué. La consommation a chuté de 1,3 % – selon NielsenIQ –, ce qui ajoute aux difficultés de l’industrie qui se doit de « réagir », selon Mme Gélinas.

Afin de promouvoir les produits d’ici, les PLQ ont donc mis en place un système de catégorisation des fromages à l’aide de trois profils : flaveur, intensité, texture.

« Cette belle variété-là, elle est intéressante, mais elle est complexe aussi. Près de 31 % des consommateurs affirment avoir du mal à s’orienter pour faire de nouvelles découvertes », affirme Julie Gélinas, à la lumière de données obtenues au cours d’un récent sondage.

Sur le site Fromages d’ici (fromagesdici.com), on décrit par exemple le Clos-des-Roches Réserve, de la Fromagerie des Grondines, comme étant une pâte ferme, fruitée et d’une intensité puissante. Pour le moment, près de 400 fromages, sur un total de 1079, ont été classifiés sur le site. Les détaillants et fromagers recevront également des trousses leur permettant de classer les produits selon les pastilles. S’ils ne sont pas tenus de s’y conformer, ceux-ci ont réservé un « accueil enthousiaste » au projet, assure Mme Gélinas. Et certains producteurs songent à les accoler directement sur leur emballage.

« Valoriser le produit »

En plus de permettre aux consommateurs de goûter à de nouveaux produits, les pastilles de goût, avec leur description, leur donneront la possibilité de remplacer un fromage européen qu’ils ont peut-être l’habitude d’acheter par un fromage québécois ayant les mêmes caractéristiques. C’est du moins le pari que font les Producteurs de lait.

Une stratégie saluée par Yannick Achim, propriétaire de cinq boutiques Yannick Fromagerie. Selon lui, cette classification va effectivement aider à « valoriser le produit ». « La pastille de goût, ça suit l’évolution du consommateur. C’est une façon d’exprimer les qualités aromatiques d’un produit. Je pense que ça valorise encore plus les fromages du Québec et le consommateur est rendu là », observe-t-il.

« À partir de ce moment-là, on va voir sensiblement la même évolution qu’on a retrouvée dans le monde des vins. Le consommateur va être intéressé à comprendre pourquoi une saveur en particulier se retrouve dans un fromage. Pourquoi c’est noisette ? Pourquoi on a une intensité relevée ? »

S’il constate lui aussi une légère diminution dans les quantités achetées par ses clients, M. Achim croit que ceux-ci font toutefois de « meilleurs choix ». « Le consommateur va être plus sensible à ce qu’il achète, aux quantités. Mais sur le plan qualitatif, il ne fait plus de compromis. Je pense qu’il va aller vers la qualité, quitte à en avoir un peu moins. »

Le fromage en quelques chiffres

  • Nombre de fromages québécois : 1079 (répertoriés sur le site Fromages d’ici)
  • Consommation : 8,4 kg par personne en 2022 au Québec (Les Québécois sont les plus grands consommateurs au pays)
  • Proportion de la production laitière utilisée pour la transformation fromagère : 43 %

Source : Les Producteurs de lait du Québec