(Ottawa) Le Conseil canadien des affaires exhorte la ministre des Finances, Chrystia Freeland, à faire preuve de la plus grande prudence budgétaire et d’éviter de nouvelles mesures coûteuses lorsqu’elle présentera sa mise à jour économique et financière le mois prochain.

À titre d’exemple, la création d’un nouveau programme national d’assurance médicaments universel ou des investissements substantiels dans la construction de logements doivent être mis en suspens en raison du ralentissement économique et des taux d’intérêt élevés qui réduisent la marge de manœuvre financière d’Ottawa, estime le président et directeur général du Conseil canadien des affaires, Goldy Hyder.

À lui seul, un programme national d’assurance médicaments pourrait coûter jusqu’à 13,4 milliards de dollars par année, selon les récents calculs du directeur parlementaire du budget, Yves Giroux.

Dans une lettre qu’il a fait parvenir à la grande argentière du pays, M. Hyder prévient que creuser les déficits pour financer de nouvelles mesures serait une recette désastreuse. D’autant plus que l’époque des taux d’intérêt bas est révolue.

« Une augmentation des dépenses financées par le déficit et des taux d’intérêt plus élevés conduira inévitablement à des niveaux d’endettement qui obligeront les futurs gouvernements à réduire leurs dépenses et à augmenter les impôts. Cela conduira à une économie affaiblie avec une incertitude considérable pour les entreprises qui cherchent à investir, à embaucher et à croître au Canada. Cela mettra également en péril les programmes sociaux auxquels tiennent les Canadiens. C’est précisément ce que nous devons éviter », met-il en garde dans cette lettre, que La Presse a obtenue.

L’époque des taux d’intérêt bas est révolue. Et c’est une réalité avec laquelle le gouvernement doit composer.

Goldy Hyder, président et directeur général du Conseil canadien des affaires

Sans aller jusqu’à réclamer un retour à l’équilibre budgétaire à court terme, M. Hyder a fortement suggéré qu’Ottawa établisse des balises plus claires en s’assurant que les frais d’intérêt sur la dette accumulée ne dépassent pas 10 % de l’ensemble des revenus annuels du gouvernement fédéral. Selon lui, c’est la meilleure formule pour protéger les programmes sociaux.

« Aussi utiles et importantes que puissent être les mesures envisagées, les financer avec de l’argent emprunté est peu judicieux et ne fera qu’exacerber la précarité de nos finances publiques », a-t-il affirmé. Il a souligné que l’économie canadienne subira les contrecoups des chocs provoqués par la guerre entre Israël et le Hamas, le conflit qui perdure en Ukraine et le froid diplomatique entre le Canada et deux poids lourds de l’économie mondiale, la Chine et l’Inde.

« Responsables »

En fin de semaine, le Nouveau Parti démocratique a averti qu’il pourrait mettre fin à l’entente qui assure la survie du gouvernement de Justin Trudeau à la Chambre des communes s’il ne met pas rapidement en chantier un nouveau programme national d’assurance médicaments. La fin de cette entente pourrait entraîner des élections fédérales hâtives, les libéraux étant minoritaires aux Communes.

Également la semaine dernière, le directeur parlementaire du budget a indiqué que le déficit prévu en 2023-2024 devrait atteindre 46,5 milliards de dollars, soit 6 milliards de plus que ce qui était prévu il y a six mois à peine, en raison de la croissance plus lente des recettes, de dépenses plus élevées et de l’augmentation des taux d’intérêt.

Mardi, la ministre des Finances a défendu la gestion des finances publiques du gouvernement Trudeau durant une conférence de presse. Elle a soutenu que les principales agences de notation avaient maintenu la cote de crédit AAA du Canada et que le Fonds monétaire international, dans un récent rapport, avait confirmé que le Canada se trouvait dans une position favorable.

« Nous reconnaissons qu’être responsables sur le plan fiscal est important pour les Canadiens », a aussi affirmé la ministre.

Depuis plusieurs semaines, le Parti conservateur talonne le gouvernement Trudeau pour qu’il présente un plan de retour à l’équilibre budgétaire afin de mettre fin « à ses déficits inflationnistes ».

« L’automne dernier, la ministre des Finances a promis que le budget serait équilibré d’ici six ans. Au printemps dernier, elle a rompu cette promesse et déclaré que nous ne pourrions jamais équilibrer le budget. La semaine dernière, le directeur parlementaire du budget a révélé que son déficit était désormais supérieur de 15 % à ce qu’elle avait annoncé il y a seulement six mois », a lancé lundi le chef conservateur Pierre Poilievre. Il a par la suite accusé le gouvernement Trudeau d’avoir « perdu le contrôle de notre dette ».

Mme Freeland a répliqué qu’elle ferait le point sur la situation des finances publiques dans sa mise à jour économique, notant au passage que le Canada a le plus faible déficit et le ratio dette-PIB le plus bas du G7. « En ce qui concerne la situation financière du Canada, je serai très claire : les Canadiens devraient écouter les agences de cotation indépendantes dont le travail consiste à évaluer la situation du Canada, et non les attaques partisanes de l’opposition, qui dénigrent le Canada. La cote AAA du Canada a été réaffirmée par les agences de cotation depuis la présentation du budget. Nos finances sont solides », a-t-elle affirmé.