La construction d’un train à grande vitesse (TGV) pouvant relier Montréal à Toronto en moins de deux heures et demie stimulerait la concurrence des entreprises canadiennes, avance un professeur spécialiste des enjeux de productivité au pays.

« Un TGV favorisera la concurrence entre les entreprises de tous les secteurs, notamment dans les services, a soutenu le professeur de HEC Montréal Robert Gagné. Dans l’état actuel des choses, un entrepreneur peut choisir de ne pas mettre d’efforts dans la prospection de clients à Toronto parce que c’est long et compliqué, mais avec un train qui l’amène au centre-ville de Toronto en deux heures et quart, ça change la game », a-t-il poursuivi.

M. Gagné a tenu ces propos dans le cadre du sommet sur la concurrence qui s’est déroulé le jeudi 5 octobre à Ottawa. Conférencier invité, il a discouru sur le potentiel concurrentiel inexploité du Canada.

Le Canada a un déficit de concurrence par rapport aux pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a-t-il répété à maintes reprises au cours de l’évènement. Le Canada se classe en effet en queue de peloton selon son indice de réglementation des marchés de produits. Cet indice évalue dans quelle mesure les politiques publiques favorisent ou entravent la concurrence sur les marchés de produits.

Avec le TGV, l’idée est de rapprocher les marchés de Toronto (6 millions d’habitants) et de Montréal (4 millions) pour en faire un seul et immense marché de 10 millions de personnes à l’intérieur duquel les entreprises des deux grandes villes se font concurrence pour desservir cet imposant bassin de consommateurs.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE HEC MONTRÉAL

Robert Gagné

« Le Canada est un immense pays où les concentrations de population sont rares et sont isolées les unes des autres, c’est rien pour favoriser la concurrence », a expliqué à son auditoire l’universitaire qui dirige le Centre sur la productivité et la prospérité Fondation Walter J. Somers.

Outre le démarchage de nouveaux clients, les entreprises auraient également accès plus facilement et à moindre coût aux experts des deux grandes villes, ce qui augmenterait leur productivité à coup sûr, fait valoir le professeur.

À l’heure actuelle, le gouvernement fédéral penche pour un projet de train à grande fréquence (TGF) plutôt qu’à grande vitesse (TGV). Moins cher et plus lent que le TGV, le TGF relierait Montréal et Toronto en quatre heures au lieu des cinq heures actuelles. Selon une mise à jour d’une étude datant de 2020, un TGV Québec-Windsor coûterait 80 milliards.

Contrairement au TGF, un TGV concurrencerait l’avion dans le corridor Montréal-Toronto, dont la durée du voyage est estimée à trois heures et demie en tenant compte des embouteillages pour se rendre aux aérogares et en sortir. S’il était mû par l’électricité, le TGV contribuerait aussi à la diminution des GES par rapport aux déplacements aériens.

« All in »

D’après M. Gagné, le TGF, comme proposé par le fédéral, ne changera rien à la dynamique du transport interurbain entre les deux principales villes du pays, contrairement au TGV.

« Moi, j’irais all in [pour le TGV], quitte à ce que ça coûte 100 milliards, a lancé le professeur. C’est quoi, 100 milliards, de nos jours ? a-t-il poursuivi. Le gouvernement canadien a dépensé bien plus que ça pendant la COVID. »

De tels propos de la part d’un professeur connu pour sa critique acerbe de la manière dont les administrations publiques gèrent l’argent des contribuables ne manquent pas de susciter l’étonnement.