Dans Hochelaga-Maisonneuve, une entreprise communautaire a décidé de cesser d’être à la merci de la fluctuation du prix des légumes en les faisant pousser, en ville.

« Une caisse de brocolis peut avoir une variation de prix trois fois en un mois et demi ! », lance Benoist de Peyrelongue, directeur général de la Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve.

Il y a bien des raisons qui motivent ce gestionnaire à s’intéresser au prix des aliments, car les activités de son groupe vont bien au-delà des ateliers de préparation de repas. La Cuisine collective est notamment responsable de la cafétéria du siège social de la CSN, à Montréal.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Les employés de la CSN ont droit à des légumes cultivés dans leur quartier lorsqu’ils mangent à la cafétéria.

Or, comme tout le monde, la direction du groupe trouve bien difficile de suivre les fluctuations du prix des aliments, elle qui doit avoir à peu près le même coût pour faire les repas, autant ceux destinés aux ateliers communautaires qu’à la cafétéria de la CSN ou pour son service de prêts-à-manger.

« Pour les groupes de cuisine collective comme pour nos autres activités économiques, ça devient compliqué, la fluctuation des prix, raconte le directeur général. Ça tire sur l’élastique. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Un des mandats de la Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve est d’assurer une accessibilité aux fruits et légumes pour tous, rappelle son directeur général, Benoist de Peyrelongue.

On a alors décidé de prendre le contrôle de l’élastique, en partie.

La Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve intensifie sa production en ville : cette année, le groupe va dépasser un hectare de culture dans l’est de la ville. Car l’idée est aussi d’intensifier l’impact dans le quartier.

Comme la nature a été très généreuse au cours de l’été, la direction se rend compte que la production maison a un impact réel sur les coûts de production.

Trois principaux points de production sont implantés dans le quartier : une serre est installée à la Société des alcools du Québec (SAQ), d’autres plantations sont faites autour d’un édifice de la rue Hochelaga et une autre aire de production se trouve à côté de l’entreprise Scientific Games.

Il y a désormais une équipe de 10 maraîchers professionnels qui travaillent pour l’entreprise.

« La carotte au début de la saison a le même prix qu’à la fin de la saison », calcule fièrement Benoist de Peyrelongue, qui ajoute que cela permet à son chef de cuisine de mieux prévoir les coûts de production.

En plus d’être utilisées dans leurs propres cuisines, les récoltes sont vendues à des restaurateurs de la rue Ontario et dans des marchés solidaires de quartier, en saison. Environ 30 % des légumes sont redonnés à des organismes communautaires.

Sur le bord de l’A25

Depuis juillet 2022, le groupe cultive sur des terres qui appartiennent à la SAQ. La société d’État a cédé les terrains, sur le bord de l’autoroute 25, et fourni le système d’eau et d’électricité pour faciliter la culture des légumes et des arbres fruitiers. Le contrat de cinq ans est renouvelable pour cinq autres années. Il y a désormais 30 000 pieds carrés plantés, en toute discrétion, car l’endroit est peu fréquenté.

La serre imprévue
  • La serre et des jardins sur des terrains de la SAQ jouxtant l’autoroute 25 à Montréal

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    La serre et des jardins sur des terrains de la SAQ jouxtant l’autoroute 25 à Montréal

  • La planification des semis, en début de saison, est aussi faite selon les besoins de l’organisme.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    La planification des semis, en début de saison, est aussi faite selon les besoins de l’organisme.

  • « La SAQ voulait un ancrage dans la communauté locale », dit Benoist de Peyrelongue.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    « La SAQ voulait un ancrage dans la communauté locale », dit Benoist de Peyrelongue.

  • Marie-Charlotte Desjardins, une employée de la Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve, dans le jardin maraîcher

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Marie-Charlotte Desjardins, une employée de la Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve, dans le jardin maraîcher

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Le travail maraîcher de la Cuisine ne s’arrête pas là. Le groupe a repris un grand entrepôt au 5600 de la rue Hochelaga, un édifice multidisciplinaire où il a implanté son usine de lavage et de transformation de légumes.

Pas très loin, l’entreprise Scientific Games, qui imprime des billets de loto, est aussi entrée dans le mouvement. On y cultive déjà des légumes au sol et, prochainement, une serre quatre saisons sera installée et chauffée avec l’air récupéré de l’imprimerie.

L’expansion se poursuit : la boulangerie Bimbo, aussi dans le quartier, doit également offrir des terrains à cultiver.

Selon Benoist de Peyrelongue, le mouvement est bien implanté et les entreprises privées, ou publiques, qui décident de prêter de l’espace à cultiver ne le font plus seulement pour une question d’image. « Ça donne du sens pour les équipes de travail », dit-il.

L’avantage de faire des affaires avec un groupe comme le sien est qu’il offre un service clés en main aux entreprises qui peuvent ensuite faire des activités autour des espaces de culture.

Plus de monde

La Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve est réputée dans le milieu communautaire montréalais. D’abord, elle a été au tout début du mouvement des cuisines communautaire – le groupe a été créé en 1986. Elle est depuis reconnue pour son dynamisme.

Étant au cœur d’une mixité sociale, l’entreprise est aussi un témoin privilégié du climat social, explique Benoist de Peyrelongue. Et présentement, les choses changent. Les ateliers communautaires sont populaires, plus que jamais.

« Il y a des gens qu’on ne voyait pas avant, explique Benoist de Peyrelongue. L’étudiant universitaire, qui va à l’école et qui n’arrive pas, par exemple. »

Il y a donc plus d’étudiants dans les groupes de cuisine. S’il n’y avait pas de pénurie de main-d’œuvre, il y aurait des ateliers les soirs et les week-ends pour aussi accueillir une clientèle qui travaille.

La cuisine, on l’a à la maison, dans la famille, depuis que le monde est monde. C’est un lieu de mixité sociale. Que vous soyez avocate, comptable, seule ; que vous soyez en congé de maternité et que vous ayez besoin d’être avec d’autres gens. Le groupe de cuisine est un vecteur de mixité sociale. Ça brise l’isolement.

Benoist de Peyrelongue

Prochaine étape : installer un magasin communautaire dans l’ancienne caisse populaire de la rue Adam, où loge le groupe. Et continuer de jardiner !