Déjà la plus importante usine d’assemblage de semi-conducteurs pour le marché ouvert en Amérique du Nord, l’usine d’IBM à Bromont ne risque pas de manquer d’ouvrage au cours des prochaines années. La politique énergique de rapatriement de la production de semi-conducteurs qui a été mise en place l’an dernier avec l’adoption du CHIPS Act aux États-Unis va stimuler l’activité de l’usine, anticipe son directeur en chef, Stéphane Tremblay.

L’usine de Bromont, qui a célébré l’an dernier ses 50 ans d’existence, a fait parler d’elle récemment avec l’inauguration du superordinateur quantique, le Quantum System One, qui trône dans le hall d’entrée de l’entreprise manufacturière de la microélectronique.

L’usine, qui au départ réalisait l’assemblage des machines à écrire IBM Selectrics, s’est transformée au fil des ans pour faire l’assemblage mécanique de semi-conducteurs en céramique pour tous les besoins de la multinationale informatique, avant d’ajouter l’assemblage de microprocesseurs et de sous-systèmes de cryptage.

« Aujourd’hui, nous sommes la seule usine d’IBM dans le monde qui fait l’assemblage des composantes de tous les systèmes P et Z d’IBM, qui sont de gros systèmes informatiques utilisés par les grandes entreprises de la finance ou des assurances, en raison de leurs capacités de calcul uniques », m’explique Stéphane Tremblay, directeur en chef de l’usine IBM de Bromont.

Stéphane Tremblay a entrepris sa carrière chez IBM à Bromont en 1991, à titre d’ingénieur au service du contrôle de la qualité. Durant ses 30 années passées dans l’entreprise, il a occupé 18 postes différents, pour en devenir le grand responsable en février 2021.

On recommande de changer de poste au moins trois fois tous les dix ans, ça donne une vision globale de l’entreprise, plus collaborative, on comprend mieux les enjeux de nos collègues dans chacun des départements.

Stéphane Tremblay

Il y a une dizaine d’années, l’usine de Bromont a encore dû se transformer lorsqu’elle a cessé progressivement de faire l’assemblage des semi-conducteurs pour les trois grands manufacturiers de consoles de jeux vidéo, en raison de l’évolution des technologies.

« Au même moment, IBM a vendu ses fonderies de semi-conducteurs qu’elle avait dans l’État de New York. Il a fallu travailler avec un nouveau fournisseur, GlobalFoundries. Maintenant, on fait aussi affaire avec TSMC de Taïwan et Samsung de la Corée », explique Stéphane Tremblay.

Essentiellement, l’usine de Bromont reçoit les gaufres de semi-conducteurs de ses fournisseurs et trace le chemin pour que les électrons circulent, tout en appliquant des solutions thermiques pour protéger les composants de la chaleur induite par cette activité.

L’usine de Bromont est la seule en Amérique du Nord à réaliser l’assemblage de semi-conducteurs pour des clients de l’extérieur, pour le marché ouvert.

« Il y a d’autres usines de semi-conducteurs, mais elles font uniquement l’assemblage de leurs propres produits. Avec notre capacité, on fait l’assemblage des semi-conducteurs d’IBM, mais on le fait pour d’autres clients selon leurs spécifications.

« On travaille notamment avec les grands équipementiers de la 5G et les centres de données, mais on veut aussi desservir les fabricants automobiles, alors que les autos deviennent de plus en plus des centres de données sur roues », souligne Stéphane Tremblay.

Des développements prévisibles

Les grands clients de l’usine de Bromont représentent aujourd’hui entre 50 et 60 % du volume d’activités du centre d’assemblage, alors qu’IBM accapare de 40 à 50 % de la production annuelle.

Ce pourcentage sera appelé à se modifier au cours des prochaines années à la faveur de clients externes, alors que les États-Unis investissent massivement dans le rapatriement de leur capacité de production de semi-conducteurs.

En 2022, le président Joe Biden a fait adopter le CHIPS Act qui a mis à la disposition des fabricants de puces 52 milliards de dollars pour la construction de fonderies aux États-Unis. Les fonds fédéraux serviront à financer de 20 à 30 % du coût des projets d’implantation. On prévoit donc plus de 150 milliards en projets de nouvelles usines.

« Ce sera essentiellement des fonderies qui vont répondre aux besoins du marché nord-américain, pour cesser la dépendance aux semi-conducteurs asiatiques. C’est un marché en continuelle expansion. On va pouvoir faire l’assemblage final des semi-conducteurs dans notre usine, où on a encore des capacités qu’on peut déployer », précise le directeur en chef.

IBM Bromont a déjà compté plus de 2000 employés, au plus fort de la production de semi-conducteurs pour les fabricants de consoles de jeux vidéo. Aujourd’hui, l’entreprise recense plus de 1000 travailleurs, dont plusieurs centaines d’ingénieurs.

Elle a été obligée de se repenser lorsqu’elle a été forcée d’assumer seule la prospection de nouveaux clients après qu’IBM a vendu ses fonderies américaines.

« Je me suis joint au groupe de développement des affaires et des nouveaux produits en 2016, lorsqu’on a commencé à opérer de façon autonome. On a créé une équipe de vente, des processus, la gestion des clients et on a retrouvé les volumes qu’on avait perdus lorsque les fabricants de consoles ont cessé de faire affaire avec nous », précise le gestionnaire.

Stéphane Tremblay souligne d’ailleurs qu’il s’agit là de la grande force de l’entreprise, sa capacité à relever des défis.

« On est une usine qui manufacture de la fierté et on est bien positionné pour tirer profit de la construction des nouvelles fonderies qui vont avoir besoin de nous. En plus, on est au cœur de la zone d’innovation de Bromont, ce qui constitue un bon noyau pour l’industrie de la microélectronique », anticipe le directeur en chef d’IBM Bromont.