Cette semaine, la Suédoise Suzan Hourieh Lindberg, entrepreneure, spécialiste des technologies et des statistiques et conférencière à l’évènement Numérique au Féminin, répond à nos questions.

Où en sont la Suède et les pays scandinaves au sujet de la place des femmes en TI ? Faites-vous mieux qu’au Canada et qu’aux États-Unis ?

La Suède et les pays scandinaves se classent particulièrement bien en termes de femmes dans les secteurs de l’informatique. Néanmoins, il est essentiel de faire la distinction entre les femmes employées dans le secteur des technologies et celles qui ont des fonctions en TI. Ce dernier groupe est nettement plus petit que le premier. Bien qu’il existe un dialogue intense sur l’égalité des sexes dans le secteur technologique en Suède, les données suggèrent que le Canada a un léger avantage à cet égard. Parallèlement, les États-Unis comptent une plus grande proportion de femmes, en particulier dans le commerce électronique et les réseaux sociaux.

Que souhaitez-vous atteindre comme but avec votre entreprise Perspetivo ?

Perspetivo opère à l’intersection de la technologie et de la recherche. On s’efforce d’obtenir des données représentatives qui parlent non seulement au nom de la majorité, mais aussi des différentes minorités de la Scandinavie. Nous sommes fiers d’être une start-up unique qui repousse les limites en veillant à ce que chaque voix, quel que soit son sexe, son origine ethnique, son âge ou son origine socio-économique, soit reflétée dans la recherche. Nos données apparaissent comme les plus précises et les plus fiables des pays nordiques. Lorsque vos données représentent réellement tout le monde, c’est naturellement plus pertinent.

Le fait d’être née en Macédoine d’une mère macédonienne et d’un père syrien a-t-il influencé le type d’entreprise que vous avez créé ?

Nous sommes déménagés en Suède alors que j’avais à peine 4 ans. Et sans aucun doute, mon parcours personnel et mes antécédents familiaux ont grandement influencé mon parcours professionnel. J’ai vu mes parents bien éduqués naviguer dans les complexités de l’intégration dans la société suédoise. Ils se sont sentis souvent négligés malgré leurs diplômes, et ça m’a profondément marquée. Mes parents m’ont toutefois inculqué la conviction que je pouvais réaliser tout ce que je voulais. Mon affinité pour les chiffres, dont l’objectivité est sans faille, m’a conduit vers les mathématiques et les statistiques. Je voulais utiliser ces disciplines comme un outil pour démontrer et plaider concrètement en faveur d’une société et d’un paysage industriel plus inclusifs. Les chiffres ont le pouvoir de révéler la vérité.

Est-ce que les pays scandinaves, notamment la Suède, où vous vivez, sont inclusifs ?

Nous manquons beaucoup de données liées à l’origine ethnique, à la langue maternelle et à d’autres paramètres importants en matière d’égalité. La Suède vient tout juste de commencer à se pencher sur l’inclusion basée sur les données et les connaissances. Mon entreprise a été la première à adopter cette approche dans les pays scandinaves. Le potentiel est vaste et prometteur. La Suède se distingue comme l’une des nations les plus diversifiées au monde.

D’ici, au Québec, on a pourtant l’impression que c’est un pays assez homogène.

Un Suédois sur cinq est né hors de la Suède. Un Suédois sur quatre est d’origine étrangère et un sur trois a au moins un parent né à l’étranger. Ce dernier groupe connaît une croissance rapide. Près de 40 % des jeunes Suédois âgés de 18 ans et moins ont au moins un parent né à l’étranger contre 33 % de la population générale. Cette portion de la population représente environ 80 % de la croissance démographique du pays, une statistique vitale pour la stabilité du futur marché du travail. Ce dont nous avons besoin, cependant, c’est d’un discours médiatique équilibré qui souligne non seulement les défis, mais aussi les énormes avantages et les forces qui découlent d’une société diversifiée : 34 % des médecins suédois sont nés à l’étranger et 54 % de nos doctorants sont des Suédois nés à l’étranger.

Dans votre entreprise, vous utilisez l’infrastructure inclusive et la mesure de la densité des perspectives. Qu’est-ce que c’est, exactement ?

L’infrastructure inclusive est notre approche concrète de l’inclusion et de la diversité. C’est un modèle exclusif que nous avons développé pour passer de simples discussions à une véritable élaboration et exécution de stratégies centrées sur l’inclusion et l’équité. La « mesure de la densité des perspectives » est notre formule mathématique unique qui quantifie et relie les concepts de « diversité » directement à l’innovation et à la croissance. C’est notre façon de veiller à ce que la diversité ne soit pas seulement célébrée, mais également reconnue comme un puissant moteur de progrès. Pour créer le changement, il faut de la représentation même dans les données. Sans cet apport, les opinions régressent. La progression réside dans la capacité à comprendre le point de vue des autres.