Au premier jour des audiences sur culpabilité de la courtière immobilière vedette Christine Girouard et de son conjoint, le courtier Jonathan Dauphinais-Fortin, une témoin a affirmé qu’elle avait été contrainte de signer une promesse d’achat bidon « pour acheter la paix ».

Une témoin clé du présumé stratagème frauduleux d’offres bidon visant à faire grimper le prix de propriétés a témoigné lundi à Brossard dans les bureaux de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).

Cette personne, qu’on ne peut identifier à cause d’une ordonnance de non-publication, a expliqué de quelle façon Jonathan Dauphinais-Fortin s’y était pris pour lui faire signer une promesse d’achat pour une maison vendue par la courtière Christine Girouard, patronne de M. Dauphinais-Fortin.

Étant déjà propriétaire, la témoin a soutenu qu’elle n’avait pas l’intention d’acheter la maison, qu’elle ne l’avait pas visitée et qu’elle n’avait pas de préqualification hypothécaire, avouant du même coup qu’elle ne savait pas ce que c’était au moment de signer la promesse bidon.

« Pourquoi vous signez une promesse d’achat à ce moment-là ? », a demandé l’avocate de l’OACIQ Isabelle Martel. « Parce que Jonathan me l’a demandé », a-t-elle répondu dans un premier temps.

La témoin a raconté que M. Dauphinais-Fortin l’avait d’abord approchée en lui disant « j’ai quelque chose à te demander et je pense pas que tu vas aimer ça » et qu’il réclamait de l’aide pour son travail.

M. Dauphinais-Fortin s’était trouvé ce nouveau boulot de courtier immobilier quelques mois plus tôt après avoir vécu deux ans de prestations de la CNESST. La témoin voyait qu’il allait mieux.

Elle refuse toutefois de signer parce qu’elle a « l’impression que c’est une tactique » et que ce n’est pas dans ses valeurs. Cependant, il revient à la charge le lendemain en disant qu’il a de nouveaux arguments pour la convaincre. La témoin raconte qu’elle se chicane avec Jonathan Dauphinais-Fortin qui lui dit notamment « fais-toi-z’en pas, tu capotes pour rien ».

Je ne me souviens pas de ces arguments-là. Mais je finis par céder et je signe pour acheter la paix.

Une témoin clé du présumé stratagème frauduleux

Comme le lui avait assuré M. Dauphinais-Fortin, l’offre est refusée le soir même, parce qu’elle est plus basse que le prix demandé. La témoin avait oublié l’existence de cette propriété jusqu’à ce qu’elle soit contactée par La Presse plusieurs mois plus tard.

La témoin dit alors réaliser « que c’est plus grave que ce que je pensais, je ne respire plus ».

La gorge nouée, elle a expliqué au comité les impacts dans sa vie d’avoir signé une promesse d’achat bidon, notamment de vivre avec la crainte de perdre son emploi et de faire de la prison.

« Je ne suis pas là pour faire pitié. C’est vraiment juste difficile, a-t-elle dit en étouffant un sanglot. Je n’ai pas répondu au téléphone dans les quatre derniers mois à tous les numéros inconnus. »

Deux semaines d’audiences prévues

Le comité de discipline a prévu deux semaines d’audiences sur culpabilité pour la vedette de l’émission Numéros 1 à CASA Christine Girouard, ainsi que pour son conjoint et partenaire d’affaires Jonathan Dauphinais-Fortin.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le courtier immobilier Jonathan Dauphinais-Fortin, lundi, lors de son arrivée à l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier au Québec

Le courtier Dauphinais-Fortin était seul lundi matin, accompagné de ses deux avocats. MMartin Courville a prévenu le comité que Mme Girouard ne serait présente que le jour où elle devra répondre aux questions de l’avocate de l’OACIQ Isabelle Martel.

« À moins de circonstances exceptionnelles, ni Mme Girouard ni M. Dauphinais-Fortin ne témoigneront », a précisé l’avocat au début de l’audience, indiquant que tous deux s’en remettraient à la décision du comité.

Corruption

Un acheteur floué, qui a payé sa maison des dizaines de milliers de dollars plus cher à cause du présumé stratagème, est venu raconter à quel point cette histoire l’avait choqué, stressé et plongé dans la paranoïa. Il craignait les représailles des courtiers.

« Je me suis imaginé plein de scénarios, à un point tel que quand l’inspecteur de l’OACIQ m’a appelé, j’ai dit : “Je ne suis pas au travail, je suis plutôt dans un stationnement. » J’étais en train de réfléchir si ça se passe mal, qu’est-ce que je fais ? Est-ce qu’on déménage tout de suite ? »

Dans mon pays, je connais ce qu’on appelle la corruption, mais je ne m’attendais pas vraiment à vivre ça ici.

Témoignage d’un acheteur floué

De son côté, la vendeuse de la propriété soutient qu’elle n’était pas au courant du présumé stratagème. Elle a raconté au comité que sa courtière immobilière Christine Girouard lui avait présenté les deux promesses d’achat au téléphone et qu’à l’époque, elle n’avait pas regardé en détail celle en dessous du prix affiché.

« Quand l’avez-vous regardée en détail ? », a demandé l’avocate de l’OACIQ Isabelle Martel

« Quand j’ai reçu les pièces en préparation de ma rencontre ici et j’ai dit : “Mon Dieu, jamais je n’aurais accepté ça”, parce que selon ce que j’ai vu, je devais quitter la maison dans un mois et Mme Girouard savait très bien que je ne pouvais pas », a témoigné la propriétaire d’une maison à vendre par Christine Girouard, qui ne peut être identifiée.

Les audiences sur culpabilité sont prévues du 25 septembre au 6 octobre. Christine Girouard et Jonathan Dauphinais-Fortin ne peuvent pas exercer leurs activités au moins jusqu’à la décision finale du comité de discipline. Les deux courtiers pourraient alors se voir imposer une suspension permanente.

L’histoire jusqu’ici

17 mai 2023 

Un article dans La Presse signé par la journaliste Isabelle Dubé fait état de deux transactions frauduleuses à Repentigny en 2022 impliquant Christine Girouard et Jonathan Dauphinais-Fortin de RE/MAX.

19 mai 

RE/MAX met fin à l’entente avec les deux courtiers et leur permis fait l’objet d’une suspension administrative

23 mai 

Les deux courtiers demandent à l’OACIQ de lever la suspension.

25 mai 

Le syndic adjoint de l’OACIQ dépose une requête en suspension provisoire.

19 juillet 

Le comité de discipline de l’OACIQ suspend les permis de pratique des deux courtiers jusqu’à la décision finale du comité à la suite des audiences.