Des courtiers qui ont fait affaire avec la vedette de l’émission Numéro 1 à CASA Christine Girouard lors d’une surenchère avaient trouvé « bizarre » le contexte de leur transaction avec elle et ont porté plainte à l’OACIQ à la suite de la diffusion de l’enquête de La Presse.

Au deuxième jour des audiences disciplinaires des courtiers Christine Girouard et Jonathan Dauphinais-Fortin, son conjoint, une courtière immobilière a raconté dans quelles circonstances elle avait subi le présumé stratagème frauduleux des deux courtiers de Repentigny.

La courtière représentait des clients qui voulaient acheter une propriété vendue par Christine Girouard. Après avoir déposé une promesse d’achat, elle a raconté que la courtière vedette l’avait appelée pour lui dire qu’une offre plus élevée était sur la table.

« Comme j’étais un courtier du secteur, qu’on se connaissait un peu et qu’elle préférait faire la transaction avec moi, elle m’a demandé si mes clients étaient prêts à augmenter un peu leur prix », a expliqué cette courtière au comité.

Selon les promesses d’achat que La Presse a obtenues lors de son enquête, l’offre de cette courtière était dans les faits la plus élevée des trois promesses reçues pour cette propriété vendue par Mme Girouard.

L’offre plus élevée n’existait pas

La deuxième promesse d’achat était 2000 $ plus basse que celle de cette courtière. La troisième offrait au moins 100 000 $ de moins.

Cette promesse d’achat largement inférieure a d’ailleurs été présentée par le courtier Jonathan Dauphinais-Fortin, alors employé de Mme Girouard. M. Dauphinais-Fortin a rédigé le document en inscrivant comme acheteur le nom de son ami de longue date qui n’avait pas visité ladite propriété.

Plutôt que de bonifier l’offre de ses clients, la courtière qui a témoigné devant le comité mardi à Brossard a demandé à Mme Girouard d’arriver avec une contre-offre de ses vendeurs. Or, elle n’a pas compris pour quelle raison cette contre-offre était plusieurs dizaines de milliers de dollars plus élevée que le prix demandé et sa première offre.

« Vu qu’on avait regardé les comparatifs vendus, mon conseil a été de refuser la contre-proposition des vendeurs », a-t-elle expliqué.

Quelques jours plus tard, lorsqu’elle décide de vérifier le prix de vente ferme de la propriété, la courtière est étonnée de constater qu’elle n’est pas vendue.

C’est bizarre que l’autre promesse d’achat n’ait pas été acceptée, parce qu’elle était quand même supérieure.

Une courtière ayant fait affaire avec Christine Girouard

C’est seulement en lisant l’article de La Presse plusieurs mois plus tard qu’elle fait le rapprochement et décide de porter plainte à l’OACIQ « pour la crédibilité des courtiers du Québec ».

« J’avais peur que mes clients que je représentais pensent que j’étais impliquée dans une magouille quelconque. »

Le courtier qui a fait la deuxième promesse d’achat au nom de ses clients avait lui aussi eu la puce à l’oreille. « J’ai vu que la maison n’avait pas été vendue et je trouvais ça bizarre », a-t-il déclaré.

Au cours des jours suivant sa collaboration avec Mme Girouard, il a même rédigé des notes relatant le fil des évènements dans le but de déposer une plainte.

« J’ai vu que ce n’était pas normal, les évènements qui étaient arrivés et la façon dont ça avait été géré », a soutenu le courtier lors de l’audience.

Un marché « spectaculaire »

Les quatre courtiers, qui ont témoigné mardi, ont décrit le contexte de surchauffe qui affligeait le marché immobilier de 2021 et de 2022, le qualifiant de « réactif », « en feu » et « spectaculaire ».

Ces quatre témoins ont aussi expliqué au comité l’impact psychologique des offres multiples sur un acheteur, notamment que le fait de savoir qu’un autre s’ajoute dans la course l’incite à offrir plus d’argent pour gagner les enchères.

Le comité de discipline a prévu deux semaines d’audiences, du 25 septembre au 6 octobre, pour déterminer si les deux intimés sont coupables des faits qui leur sont reprochés. Selon le syndic, la preuve est suffisante pour démontrer que Christine Girouard et Jonathan Dauphinais-Fortin ont mis en place un stratagème frauduleux visant à inciter des acheteurs à bonifier leur promesse d’achat initiale en soumettant une promesse d’achat bidon à des vendeurs.