Les employeurs n’en font pas assez pour la santé mentale, jugent les jeunes professionnels. Et la moitié d’entre eux consentent à se faire espionner par leur patron pour qu’il s’assure du respect des heures de travail.

La majorité des jeunes professionnels, soit 60 %, ressentent chaque semaine de la fatigue et de l’épuisement tandis que 44 % sont anxieux et déprimés, révèle un nouveau sondage réalisé par Léger pour le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ).

Les femmes sont les plus touchées, ce qui fait dire au RJCCQ que les employeurs gagneraient à avoir une approche personnalisée dans la gestion de leurs ressources humaines.

Le RJCCQ sonde tous les six mois depuis deux ans et demi les jeunes professionnels pour créer un dialogue entre employeurs et employés.

Les entreprises offrent à coup sûr plus d’aide aux employés qu’en 2019, mais plus de la moitié des employés (55 %) ne sont pas satisfaits de la réponse de leur employeur face aux problèmes de santé mentale au travail.

Et même si les employeurs fournissent les mêmes mesures qu’en mars dernier, ce nouveau coup de sonde révèle que ce n’est plus suffisant.

« Ce qui ressort le plus fort dans ce sondage, c’est à quel point les employés jugent sévèrement les employeurs dans tout ce qui a trait à la santé mentale », observe en entrevue avec La Presse Pierre Graff, PDG du RJCCQ.

La santé mentale prend de plus en plus de place dans les discussions, ce qui est une bonne nouvelle. Or l’enjeu n’est plus relié aux années de pandémie, mais devient structurel, analyse le PDG.

« Ce qui est surprenant, poursuit M. Graff, c’est que la majorité de ceux qui ont accès à de l’aide (89 %) disent que les simples mesures que les employeurs ont mises en place les aident à surmonter leurs défis personnels. On voit que ça ne prend pas grand-chose. »

Parmi ces mesures, on cite les congés supplémentaires, les programmes d’aide aux employés (PAE) et les offres de formation sur l’anxiété.

« Clairement, il y a une volonté de la part des employeurs de s’adapter. Par contre, il y a des statistiques qui montrent que des employeurs ne font pas attention. »

Si 69 % des jeunes professionnels disent qu’il est plutôt facile de concilier travail et vie personnelle, en regardant les résultats de plus près, on constate que les jeunes familles peinent à y arriver. Les statistiques indiquent aussi que cette conciliation est ardue chez ceux qui doivent se présenter au bureau plus de deux jours par semaine.

Le télétravail est dorénavant considéré comme un acquis par cette génération. Après le grand retour au bureau de l’an dernier, le retour supplémentaire de cette année entraîne des enjeux de santé mentale que l’on n’aurait pas soupçonnés il y a quatre ans.

« Les jeunes professionnels sont très à l’aise avec le retour hybride, mais pour le retour supplémentaire au bureau, ceux qui sont rendus à 3,6 jours par semaine en moyenne vivent plus d’enjeux importants en termes de conciliation travail-vie personnelle, d’anxiété et de santé mentale, par rapport à ceux qui en font 1 à 2 par semaine », affirme Pierre Graff, du RJCCQ.

Les jeunes professionnels sont divisés au sujet des limites entre la vie personnelle et professionnelle, notamment pour faire avancer leur carrière. Curieusement, ils sont nombreux (56 %) à se dire prêts à accepter de se faire surveiller par l’employeur pour vérifier qu’ils respectent le nombre d’heures de travail.

De plus, selon 42 % des répondants, les gestionnaires devraient aussi être en mesure de communiquer avec leurs employés en dehors des heures de travail en cas d’urgence.

« La conciliation prend de plus en plus de place chez les jeunes professionnels et ceux-ci tiennent à ce qu’il y ait une délimitation claire entre le travail et la vie privée. Ils préfèrent qu’il y ait une certaine transparence dans la manière dont le travail est évalué pour être sûrs qu’on ne le dépasse pas », soutient Pierre Graff.