(Calgary) Le groupe à l’origine d’un projet de réseau de captage et de stockage de carbone pour les sables bitumineux de l’Alberta observe avec consternation les derniers obstacles réglementaires liés à l’expansion du pipeline Trans Mountain.

L’Alliance nouvelles voies, un consortium regroupant les plus grandes sociétés canadiennes d’exploitation des sables bitumineux, souhaite que son projet de pipeline de carbone et de centre de stockage souterrain de 16,5 milliards soit opérationnel dans le nord de l’Alberta d’ici 2030.

Le projet, tel que proposé, serait l’un des plus grands projets de captage du carbone au monde, reliant jusqu’à 20 installations de captage et de stockage de carbone dans le nord de l’Alberta et séquestrant chaque année 10 millions à 12 millions de tonnes d’émissions de carbone provenant des sites de sables bitumineux.

C’est un élément clé de l’engagement de l’industrie des sables bitumineux à atteindre la carboneutralité provenant de la production d’ici 2050 — ce qu’elle doit faire pour respecter les engagements internationaux du Canada en matière de climat. L’industrie des sables bitumineux représente actuellement environ 12 % des émissions globales du Canada.

Mais le projet Nouvelles voies est confronté à son propre ensemble d’incertitudes politiques et réglementaires, qu’il doit dissiper avant que la construction puisse commencer. Et le président du groupe, Kendall Dilling, estime que les derniers obstacles touchant le projet de pipeline Trans Mountain montrent à quel point il est difficile de faire franchir la ligne d’arrivée aux grands projets d’infrastructure dans ce pays.

« Je ne vais pas mentir, cela m’empêche de dormir la nuit », a affirmé M. Dilling lors d’une entrevue au Congrès mondial du pétrole qui se tient cette semaine à Calgary.

« Nous examinons (Trans Mountain) et le résultat n’est bon pour personne. »

Le pipeline Trans Mountain est le seul réseau de pipelines au Canada transportant du pétrole de l’Alberta jusqu’à la côte ouest. Son expansion, actuellement en cours, portera sa capacité à 890 000 barils par jour, contre 300 000 actuellement.

Le projet, qui appartient au gouvernement fédéral, devait être mis en service au début de l’année prochaine, mais il ne sera maintenant peut-être pas prêt avant décembre 2024.

La société d’État propriétaire de Trans Mountain s’est heurtée à de nouveaux problèmes de construction en Colombie-Britannique, et une première nation de la Colombie-Britannique s’oppose aux efforts de l’entreprise visant à modifier le tracé de la canalisation.

La Régie de l’énergie du Canada a entendu les arguments de Trans Mountain et de la première nation, plus tôt cette semaine, et devrait rendre sa décision sur la question sous peu.

Des coûts qui ne cessent de grimper

C’est le dernier obstacle en date pour un projet qui a déjà été confronté à de nombreux obstacles, de l’opposition écologiste à la hausse des coûts de main-d’œuvre et aux défis de la chaîne d’approvisionnement, en passant par les problèmes de construction attribuables aux conditions météorologiques extrêmes.

Le coût en capital estimé pour Trans Mountain, qui a été acheté par le gouvernement fédéral pour 4,5 milliards en 2018, a déjà grimpé à 30,9 milliards, et l’entreprise a calculé que ses difficultés les plus récentes pourraient ajouter 86 millions supplémentaires au prix final.

L’Alliance nouvelles voies, qui espère demander l’approbation réglementaire pour son projet cet automne dans le but de passer ses premières commandes d’achat de canalisations au début de 2024, ne peut tout simplement pas se permettre de rencontrer de tels revers, a estimé M. Dilling.

« Nous faisons tout ce que nous pouvons humainement pour maintenir cela sur la bonne voie d’ici 2030. Mais nous arrivons à un moment vraiment critique. Nous sommes sur une voie critique, il n’y a pas de marge de manœuvre », a-t-il affirmé.

L’Alliance nouvelles voies attend toujours que le gouvernement fédéral finisse de peaufiner les détails de son crédit d’impôt à l’investissement pour le captage et le stockage du carbone, et qu’il dévoile, comme promis, un cadre offrant une certitude quant au prix futur du carbone – ce qui éliminerait une partie du risque d’investissement du projet.

De plus, l’Alliance a récemment entamé des consultations formelles auprès de 24 groupes autochtones et métis dont les territoires traditionnels sont situés à proximité du projet proposé.

L’un de ces groupes, la Première Nation de Cold Lake, a indiqué à CBC News plus tôt ce mois-ci qu’elle était préoccupée par le projet, et qu’elle avait l’impression que l’Alliance « nous l’enfonce dans la gorge ».

L’Alliance nouvelles voies s’efforce de répondre aux préoccupations des Premières Nations, a assuré M. Dilling, ajoutant que le groupe avait toujours cru qu’« il n’y a pas de projet » sans partenariats positifs avec les voisins autochtones.

« Vous regardez à travers le pays, vous regardez les projets récents — l’alignement des parties prenantes est crucial, sinon ces projets peuvent tourner en rond pendant longtemps », a-t-il estimé.