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Le secteur aéronautique du Canada est solide et il est en très bonne position pour mener la croissance et l’innovation à l’échelle mondiale se poursuivant sur plusieurs générations, s’il est bien alimenté par des partenaires privés, des partenaires publics et des partenaires du monde de l’enseignement.

Cependant, en tant qu’experts dans ce domaine d’étude et observateurs indépendants, nous sommes préoccupés de voir le gouvernement du Canada prendre des mesures qui désavantageraient inévitablement l’industrie aérospatiale nationale. Tous les Canadiens devraient en être préoccupés car lorsque l’industrie aérospatiale canadienne prospère, c’est l’ensemble de l’économie canadienne qui en bénéficie.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Mehran Ebrahimi, professeur, département de management de l’UQAM, et directeur de l’Observatoire de l’aéronautique et de l’aviation civile

Le projet Aéronef multimissions canadien (AMC) qui vise à remplacer la flotte d’avions de patrouille maritime CP-140 Aurora de l’Aviation royale canadienne (ARC) devrait être une occasion transgénérationnelle pour les entreprises aéronautiques canadiennes de participer à un processus d’appel d’offres ouvert, transparent et concurrentiel. Si une entreprise canadienne devait être retenue pour ses mérites, elle générerait de multiples avantages directs pour l’industrie canadienne, pour les travailleurs canadiens ainsi que pour les activités canadiennes de recherche et développement (R et D).

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Christian Moreau, professeur, département de génie mécanique, industriel et aérospatial, Université Concordia

Le projet AMC représente une occasion transgénérationnelle unique à saisir qui établira les nouvelles normes mondiales en matière de défense et de sécurité. Offrir aux entreprises canadiennes l’occasion de soumissionner est crucial pour l’avenir et la compétitivité de notre industrie aéronautique.

Au lieu de cela, notre gouvernement fédéral semble sur le point de confier un contrat à fournisseur unique directement à une entreprise internationale. Une telle décision priverait les équipementiers, les fabricants et les fournisseurs de services du Canada de la possibilité de livrer concurrence pour fournir à nos Forces armées canadiennes (FAC) la prochaine génération d’aéronefs multimissions et d’innovations en matière de systèmes de mission qui établiront une nouvelle référence en matière de défense et de sécurité mondiales.

Nous sommes conscients que les achats d’ordre militaire sont généralement complexes et lourds. Nous comprenons que les FAC ont un besoin urgent de ressources, de talents et d’équipements pour protéger et défendre adéquatement les intérêts souverains canadiens dans l’Arctique et agir aux côtés de nos alliés à l’échelle internationale.

Le projet AMC n’est pas une procédure d’acquisition militaire canadienne comme les autres. Ce n’est pas comme la construction navale où les capacités nationales ont dû être recréées. Ce n’est pas non plus comme les avions de chasse pour lesquels il n’existe aucune capacité nationale depuis l’annulation du programme Avro Arrow en 1959.

Le Canada a déjà la capacité nationale de produire localement des avions multimissions et de patrouille maritime modernes et durables ainsi que des technologies de surveillance C4ISR de qualité supérieure.

En fait, le gouvernement du Canada a déjà investi des milliards de dollars dans des systèmes C4ISR fabriqués au Canada, les mêmes systèmes qui sont en cours d’intégration dans la flotte canadienne actuelle d’avions Aurora. Parmi tous les achats d’ordre militaire nécessaires au cours des prochaines décennies, le programme AMC est le programme le mieux aligné sur les forces existantes au Canada. Nous sommes d’avis que les entreprises canadiennes méritent d’avoir la chance de présenter une solution d’AMC véritablement « fabriquée au Canada ».

Une solution « fabriquée au Canada » qui non seulement excède les besoins de l’ARC pour les décennies à venir, mais aussi génère d’importantes occasions d’exportation pour répondre aux besoins de nombreux partenaires mondiaux recherchant aussi des avions multimissions de nouvelle génération.

Pourtant, si notre propre gouvernement refuse de donner aux entreprises aéronautiques et de défense canadiennes la chance de concourir pour le projet AMC, comment peut-on s’attendre à ce que les gouvernements alliés nous donnent une chance équitable de livrer concurrence ?

Il n’est pas trop tard pour faire marche arrière, pour ne pas se limiter à une seule source dans le cadre du projet AMC et pour permettre à des leaders canadiens de l’aéronautique et de la défense de présenter un avion multimissions de nouvelle génération crédible et durable qui deviendra un symbole de l’ingéniosité et de l’excellence canadiennes. Nous appelons nos partenaires du gouvernement fédéral à ne pas rater cette occasion qui ne se présente qu’une fois par génération et à s’engager dans un processus d’appel d’offres concurrentiel. L’industrie aéronautique canadienne le mérite bien.

Autres signataires : Walid Hejazi, professeur, analyse et politique économiques, Rotman École de gestion, Université de Toronto ; Hekmat Alighanbari, président et professeur, génie aérospatial, Toronto Metropolitan University ; Philippe Doyon-Poulin, professeur adjoint, département de mathématiques et de génie industriel, Polytechnique Montréal ; Jeremy Laliberté, professeur et président associé, opérations et recherche en laboratoire, département de génie mécanique et aérospatial, Université Carleton ; Alan McClelland, doyen, École des transports, Centennial College ; Hany Moustapha, professeur, département de génie mécanique, École des technologie supérieure (ETS) ; David Rancourt, professeur, faculté de génie, Université de Sherbrooke

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