Près de 15 ans après les chaînes généralistes, au tour des chaînes spécialisées de voir l’abolition de la limite de 12 minutes de publicité par heure.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a annoncé cette décision mercredi, notant que les chaînes spécialisées canadiennes font aujourd’hui face à « des défis de concurrence importants » des plateformes en ligne comme Netflix.

Cette décision du tribunal fédéral en matière de télécommunications survient près de trois ans après une demande en ce sens de Québecor Média, au nom du Groupe TVA. Le 19 juin 2020, le télédiffuseur avait demandé que soit levée la limite de 12 minutes de publicité par heure pour ses chaînes spécialisées, appelées « services facultatifs », AddikTV, Casa, Évasion, LCN, Moi et Cie, Prise 2, TVA Sports, TVA Sports 2, Yoopa et Zeste.

Le Groupe TVA avait alors plaidé que seules les chaînes spécialisées étaient assujetties à une limite de temps publicitaire, ce qui « favoris[ait] indûment les plateformes en ligne étrangères, qui captent une part grandissante des revenus publicitaires », peut-on lire dans la décision du CRTC.

Baisse des parts

Actuellement, cette limite de 12 minutes de publicité par heure ne peut être contournée que par deux types de chaînes spécialisées, celles qui diffusent des évènements sportifs et celles qui diffusent des nouvelles nationales. On permet à des chaînes comme RDS ou LCN de répartir ce temps de publicité sur l’ensemble de leur journée de programmation, « afin de permettre la diffusion d’évènements en direct sans interruption, lorsqu’appropriée ».

En réponse à la demande de Québecor, le CRTC reconnaît que les services de vidéo sur demande obtiennent une part grandissante des revenus en télédiffusion, passés de 4,7 % en 2017 à 11,7 % en 2021. Celle des chaînes spécialisées est en légère baisse, étant passée de 22,1 % à 19,2 % durant la même période.

On autorise par conséquent toutes les chaînes spécialisées nationales, y compris celles des concurrents de Québecor, à diffuser plus de 12 minutes de publicité par heure. Ces chaînes doivent cependant diffuser uniquement de la publicité nationale et non locale, afin de protéger les diffuseurs indépendants. Cette restriction peut être levée avec une autorisation du CRTC.

Les chaînes spécialisées dans des langues autres que l’anglais ou le français, quant à elles, obtiennent l’abolition d’une autre limite, celle de ne diffuser qu’un maximum de six minutes de publicité locale par heure. Les chaînes spécialisées qui offrent de la programmation locale profitent de la même abolition.

Abonnés « submergés » ?

Quels impacts aurait la levée de ces limites pour les téléspectateurs ? « Le Conseil estime que la suppression de la limite de temps publicitaire aurait un impact limité sur les abonnés », peut-on lire dans la décision. D’abord parce que les émissions diffusées adoptent généralement un format précis, par exemple 44 minutes sur un bloc de programmation d’une heure. « Les téléspectateurs pourraient voir plus de publicités pendant les pauses de certaines émissions, comme c’est le cas actuellement avec les stations traditionnelles », note-t-on. Les intervenants entendus par le CRTC ont tous reconnu qu’il existait un « réel risque de submerger les téléspectateurs de publicités », écrit-on, ce qui ne serait pas à l’avantage des télédiffuseurs.

Le CRTC lance un avertissement : « Compte tenu de la tendance au désabonnement au câble et à la câbloréduction, le Conseil estime qu’il n’est pas dans l’intérêt des radiodiffuseurs d’augmenter de façon importante le nombre de publicités diffusées tout au long de la journée et d’ainsi nuire à l’expérience télévisuelle des abonnés. »

La levée de la limite de 12 minutes de publicité en 2009 n’a pas empêché la décroissance des revenus des chaînes généralistes, note le CRTC. On analyse prudemment que cela a pu « avoir contribué à atténuer la baisse de revenus à laquelle elles faisaient face en raison de la fragmentation de l’auditoire ».

Il n’avait pas été possible d’obtenir les commentaires de Bell et de Québecor au moment d’écrire ces lignes.

En savoir plus
  • 6,8 milliards
    Revenus de l’industrie de la télévision au Canada en 2022, en baisse de 11 % depuis une décennie
    Source : Statista
    1,56 milliard
    Revenus publicitaires en 2022
    Source : Statista