« Dans vos chroniques, vous suggérez souvent à l’employé d’aborder directement son patron. Ce n’est pas sans dangers. Ne revient-il pas au patron de prendre le pouls de ses employés ? »Mario

Je suis d’accord avec vous. Un bon leader ne devrait pas hésiter à solliciter de la rétroaction de son équipe. Mais cela exige un contexte de confiance ou de sécurité psychologique élevé tant du côté du patron que de celui de l’employé. Ce n’est pas si fréquent. Alors, deux problèmes risquent de se poser.

D’une part, peu de patrons vont oser le solliciter, car accepter d’être remis en question par son personnel peut heurter la vision qu’ils ont de leur rôle et, surtout, cela les place dans une position de vulnérabilité. Ils ne contrôlent pas le message. D’autre part, les employés sont tout aussi hésitants à communiquer vers le haut ce qu’ils pensent vraiment, car cela peut également heurter leur propre vision de leur rôle (ce n’est pas à moi de gérer mon patron) et, comme vous le dites, ce n’est pas sans risques de rejet ou de représailles pour eux.

On se retrouve donc souvent avec un feedback à sens unique, du patron vers l’employé. C’est déjà une bonne chose et, de toute façon, cela fait partie de sa responsabilité. Savoir ce qu’il pense de notre prestation de travail répond à un véritable besoin. Mais aujourd’hui, cela reste bien insuffisant.

Entendre la voix des employés

Les employeurs cherchent à bâtir une culture où les employés peuvent s’exprimer librement sur ce qu’ils pensent, ressentent et proposent pour améliorer leur expérience au travail. Compte tenu de l’importance cruciale que le patron joue dans l’expérience-employé, il faut prioriser cette dimension. C’est généralement fait par un sondage d’opinion auprès des employés. Cette pratique est utile et permet de générer des données quantitatives et qualitatives, tout en protégeant l’anonymat. Cependant, un sondage ne peut remplacer un levier d’amélioration et de connexion aussi riche et puissant qu’une conversation ouverte, honnête et bidirectionnelle entre un employé et son patron.

Les employés ont un point de vue qui leur est propre, et les gestionnaires ont tout intérêt à l’entendre et à en discuter. Se priver de cette source de rétroaction augmente considérablement le risque pour un leader d’être déconnecté de la réalité du terrain, en plus de contraindre sa capacité à s’améliorer.

Il m’apparaît aussi dans l’intérêt des employés de faire partie de la solution en prenant l’initiative de provoquer des conversations, de faire remonter de l’information vers leur patron et de proposer des idées et solutions dans un esprit de collaboration constructif.

Comment s’y prendre ?

Profitez de la porte ouverte

Il arrive qu’après avoir discuté de votre performance, votre patron se tourne vers vous et demande : « À ton tour, aurais-tu du feedback à me donner ? » Le moment n’est peut-être pas idéal, car vous n’êtes pas préparé. Au lieu d’avancer des généralités peu utiles, dites-lui : « Laisse-moi y réfléchir et je te reviens. Au fait, sur quoi aimerais-tu obtenir du feedback ? » Aussi, votre patron pourrait faire valoir que sa porte est toujours ouverte. Alors, pourquoi ne pas le prendre au mot et lui proposer : « Peut-on prendre quelques minutes cette semaine ? »

Réduisez les angles morts de votre patron

Le contenu du feedback est déterminant. Il doit permettre à la personne qui le reçoit de cibler un comportement qui demande son attention et aussi de connaître quels correctifs apporter. Alors, si possible, transmettez-lui des informations qui le concernent, mais auxquelles il n’a pas accès (ses angles morts), comme son impact sur l’équipe. Soyez spécifique et factuel en procurant des exemples, et parlez en votre propre nom (au « je »), sans impliquer nommément les membres de votre équipe.

Posez-lui une question

Au lieu de revenir sur le passé, de transmettre un jugement ou des blâmes, attirez son attention sur un enjeu qui le concerne à l’aide d’une question axée sur l’avenir et l’amélioration continue. Par exemple, « Le projet a pris du retard, comment peut-on mieux soutenir l’équipe ? ».

Soyez clair et restez cohérent avec vos intentions

Vous avez un désir sincère de venir en aide à votre patron. Votre démarche de feedback se veut constructive. Restez professionnel et respectueux dans votre approche.

En cas de doute, restez en mode observation

Vous connaissez votre patron. S’il n’est pas ouvert à recevoir un feedback critique ou que le sujet s’avère trop sensible, ne prenez pas le risque de précipiter votre démarche. Attendez le bon moment, comme l’occasion de faire partager votre feedback de façon anonyme lors d’un sondage. Entre-temps, continuez vos efforts afin de bâtir un lien de confiance avec votre patron.

Faites lire ce texte à votre patron

Dites-lui que vous y avez trouvé matière à réflexion et que vous aimeriez prendre un café avec lui pour connaître son opinion. Qui sait, ce sera peut-être le début d’une relation plus riche et bénéfique entre vous deux.