Afin de juguler la crise qui secoue l’industrie porcine, près d’un éleveur sur cinq est prêt à fermer au moins un de ses bâtiments d’élevage en échange d’une indemnisation.

Le 7 août, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec – un tribunal administratif – a donné son feu vert à un programme volontaire de retrait de la production porcine pour une période de cinq ans. Doté d’une enveloppe maximale de 80 millions, ce mécanisme de rachat collectif vise à réduire de manière importante le nombre de bêtes élevées dans la province.

Selon des chiffres fournis par Les Éleveurs de porcs du Québec, 310 des 1422 entreprises de la province – soit 22 % – ont signifié leur intention d’y participer.

Déjà, 260 producteurs ont déposé leur candidature. Ces porcheries sont prêtes à cesser la production pour cinq ans ou à fermer au moins une installation lorsqu’elles en possèdent plusieurs.

« On trouve que c’est élevé. Ça traduit je ne dirais pas une détresse, mais une situation difficile que les producteurs vivent actuellement, ça, c’est sûr », explique Benoit Désilets, directeur général adjoint des Éleveurs de porcs, le syndicat agricole qui pilote le programme de retrait.

Fermeture du marché chinois, pandémie de COVID-19, pénurie de main-d’œuvre, porc vendu au rabais et autres calamités : depuis quelques années, l’industrie est secouée par une série de tempêtes.

Le mécanisme fait en sorte qu’ils peuvent [partir] la tête haute tandis que le contexte économique n’est pas facile.

Benoit Désilets, directeur général adjoint des Éleveurs de porcs du Québec

« C’est une décision difficile à prendre parce que ce sont des producteurs dans l’âme », ajoute-t-il.

Objectif revu à la baisse

Le Québec produit annuellement 6,8 millions de porcs d’engraissement. Annoncé en mars, le programme visait initialement à réduire le nombre de 1,1 million pour arrimer l’offre à la demande moindre annoncée par les abattoirs.

« Chaque année, il y a des producteurs qui quittent le secteur. C’est juste que là, dans le fond, on donne un coup, on dit : “Si tu avais prévu partir dans cinq ans, fais-le donc tout de suite.” Pour que ceux qui restent puissent avoir de l’espace », précise M. Désilets.

En avril, le transformateur qui abat 80 % des porcs au Québec, Olymel, a annoncé la fermeture de l’une de ses quatre usines, celle de Vallée-Jonction, en Beauce.

Depuis, la cible de réduction de 1,1 million a été revue à la baisse de manière importante. L’objectif est désormais de réduire la production annuelle de 640 000 animaux.

Pourquoi ? Les Éleveurs de porcs répondent que d’autres acteurs comme Aliments ASTA et CBCo Alliance ont décidé, entre-temps, d’augmenter leur capacité d’abattage.

Les Éleveurs estiment qu’en bout de piste, le programme (financé aux deux tiers par les contribuables et au tiers par les producteurs qui ont décidé de rester) coûtera moins que 80 millions.

260 soumissions

Le premier concours (sur un maximum de trois) vise d’abord à réduire le cheptel québécois de 3 %, soit de 200 000 porcs et 8000 truies.

Pour ce premier tour de roue, Les Éleveurs de porcs ont donc reçu 260 soumissions. Les fermes sélectionnées seront celles qui ont demandé la somme la moins élevée.

C’est un mécanisme volontaire. Et ça s’adresse à des producteurs qui ont moins fait d’investissements les dernières années, qui n’ont pas nécessairement de relève et puis qui pensaient quitter la production dans les prochaines années.

Benoit Désilets, directeur général adjoint des Éleveurs de porcs du Québec

L’exercice est complexe, car il faut arrimer les différents modèles de fermes. Certaines fermes élèvent les porcs de A à Z, c’est-à-dire du moment de l’insémination de la truie jusqu’au départ des cochons à l’abattoir. D’autres se concentrent par exemple uniquement sur les naissances ou sur l’engraissement.

« On essaye de faire atterrir l’avion tout doucement. Parce que ce n’est pas évident », dit M. Désilets.

Une dizaine de fermes sélectionnées avaient déjà été prévenues en début de semaine. D’autres recevront un coup de fil sous peu.

Le producteur qui n’a pas été sélectionné va pouvoir maintenir sa soumission dans le deuxième concours, mais il ne pourra pas la changer. En revanche, il pourra la retirer. De nouvelles entreprises auront le droit de soumissionner. Les Éleveurs ne dévoileront pas le nombre de fermes sélectionnées et les sommes accordées avant la fin de l’exercice.

« Le producteur peut soumettre, pour une entreprise ou un regroupement d’entreprises, une ou plusieurs soumissions pour une somme totale maximale de 1,5 million de dollars », peut-on cependant lire dans la décision rendue par la Régie.