La logique de la science du management est implacable : un patron qui reconnaît le travail de son employé contribue à son engagement, sa performance et sa loyauté. Comment expliquer qu’un principe en apparence simple et facile à mettre en place laisse autant d’employés sur leur appétit ?

Le propos aujourd’hui est d’amener une réflexion sur le sujet qui permettra, espérons-le, des changements de comportements au quotidien. À mon avis, la montée de l’individualisme dans nos sociétés durant les deux dernières générations a suscité des attentes difficiles à combler. La motivation légitime de réussite individuelle glisse vers un besoin de performance malsain.

Une personne qui veut être au sommet dans tous les aspects de sa vie va naturellement s’activer pour valider sa contribution, sa performance dans l’organisation et son potentiel. Cette grande soif de reconnaissance est aux antipodes du principe pas trop lointain qui stipule que « tout va bien si on ne te dit rien ».

PHOTO MATHIEU BÉLANGER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Yvon Charest, ex-président et chef de la direction d’Industrielle Alliance

Cette même personne, dans son rôle de patron, aura une difficulté inouïe à passer du JE au NOUS, soit de se mettre dans la peau d’autrui, pour comprendre les attentes de ses employés et leur propre besoin de reconnaissance. Dans la logique du chacun pour soi, on choisit de se concentrer sur ses besoins et d’ignorer ses responsabilités. La chaîne de reconnaissance d’un niveau de gestion à l’autre risque de déraper dès que la structure va rencontrer un dirigeant individualiste.

Un autre élément, soit la compétence dominante du patron, peut nuire à la culture de reconnaissance. En effet un leader de type expert se contente de reconnaître la compétence et un leader de type réalisateur ou compétiteur se contente de reconnaître les bons résultats, selon son barème personnel souvent très exigeant. Un jour que j’invitais un de mes employés à féliciter son représentant pour une très belle vente, j’ai obtenu cette réponse : j’en suis incapable car mon ambition est beaucoup plus grande que de réaliser ce type de vente.

La théorie recommande de reconnaître l’attitude, les comportements et les efforts qui sont autant de leviers pour atteindre un résultat. Seul un patron de type mobilisateur a le réflexe d’offrir ce type de reconnaissance après s’être convaincu qu’un résultat pourra vraisemblablement être atteint. Il suit ainsi le principe de Carnegie : occupez-vous des gens sans perdre de vue les résultats.

Voyons maintenant les meilleures pistes de solution autant dans notre rôle d’employé que de patron. La solution la plus évidente pour un patron est de se donner un garde-fou, comme de donner le pouvoir à un proche de vous dire, de façon claire et sans punir le messager, qu’on vient de passer à côté d’une occasion de reconnaissance.

De plus, un patron, en manque de reconnaissance de son propre boss, a le pouvoir de donner de la reconnaissance à ses employés avant d’aller gentiment expliquer à son patron sa méthode, ses retombées et faire sa requête.

À titre d’employé, il serait utile de remettre la reconnaissance dans la case des cadeaux plutôt que dans celle des besoins, question de mieux gérer les attentes. Pour compenser le manque de reconnaissance, il serait aussi utile de trouver une façon de garder sa lumière allumée indépendamment du comportement de son patron.

L’auto-motivation d’une personne est directement corrélée à son sens des responsabilités (tenir ses engagements), à sa volonté de réaliser (faire davantage) ainsi que d’être focalisé (garder l’objectif en vue). Ce sont des talents à développer. Au bout du compte, il convient de se rappeler la maxime suivante : au lieu d’exiger que les autres changent, travailler d’abord sur soi.

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