(Ottawa) Le gouvernement fédéral pourrait devoir verser 2,8 milliards de dollars de plus à Volkswagen – soit 16,3 milliards de dollars en tout – au cours de la prochaine décennie pour compenser les impôts que devra payer le constructeur allemand sur l’aide fédérale à la production de batteries dans l’usine qui verra le jour à St. Thomas, en Ontario.

Cette somme supplémentaire sera nécessaire si Ottawa veut égaler l’offre qui avait été faite à la société dans le cadre de l’Inflation Reduction Act adoptée par les États-Unis, comme le gouvernement Trudeau l’avait indiqué à plusieurs reprises dans le passé, selon les calculs du directeur parlementaire du budget (DPB), Yves Giroux.

Aux États-Unis, l’offre soumise à Volkswagen n’était pas imposable, a relevé le DPB dans une analyse publiée mercredi matin.

Le mois dernier, le premier ministre Justin Trudeau et le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, ont levé le voile sur l’entente qui a été conclue avec Volkswagen pour convaincre le géant allemand de l’automobile d’installer sa nouvelle usine de production de batteries pour véhicules électriques au Canada. L’entreprise avait aussi été fortement courtisée par quelques États américains, mais elle a finalement décidé d’ouvrir cette première usine du genre en dehors des frontières européennes au Canada.

En tout, le gouvernement Trudeau a annoncé une aide à la production de 13,2 milliards en plus d’une subvention de 700 millions de dollars pour la construction de l’usine. Dans son rapport, le DPB évalue toutefois la contribution financière à la production de batteries à 12,8 milliards de dollars, et non pas 13,2 milliards.

La construction de l’usine doit commencer l’an prochain. Les travaux devraient être terminés en 2027. En principe, cette immense usine, qui occupera un espace équivalent à 210 terrains de football, doit produire suffisamment de batteries pour alimenter 1 million de véhicules électriques par année.

Mais selon les recherches du DPB, un coût supplémentaire n’est pas pris en compte dans ces chiffres, soit les fonds fédéraux supplémentaires destinés à compenser les impôts que Volkswagen devra payer sur l’aide fédérale à la production.

M. Giroux a relevé que le crédit pour la production manufacturière avancée prévu par la loi américaine est fourni sous forme de crédit d’impôt. Résultat : il n’est pas imposable.

« Le gouvernement canadien n’a pas publié de détails sur le mécanisme propre à son soutien à la production. Toutefois, la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada stipule que toute somme d’argent reçue par une entreprise de la part d’un gouvernement sous la forme d’une contribution, d’un don ou d’une subvention est incluse dans le calcul du revenu (si cette somme n’a pas été déduite du coût en capital des biens acquis grâce à l’aide) et est donc soumise à l’impôt sur le revenu des sociétés », a écrit le DPB dans son rapport.

« Dans cette optique, le gouvernement devrait offrir un ajustement fiscal afin d’égaler l’aide après impôt offerte dans le cadre de l’IRA, comme il l’a déclaré publiquement à de nombreuses reprises. »

M. Giroux et son équipe estiment que le gouvernement fédéral pourrait devoir verser 2,8 milliards de dollars supplémentaires à l’entreprise, portant ainsi l’aide totale à 16,3 milliards durant la période visée par l’accord.

Selon le DPB, la construction de l’usine Volkswagen augmentera le nombre d’emplois de 1400 postes d’ici la fin de 2027. Il prévoit aussi que l’augmentation des recettes budgétaires découlant des activités économiques liées à ce projet compensera l’augmentation des frais de la dette résultant de la dette publique. Car le gouvernement fédéral devra essentiellement emprunter pour financer la contribution financière à Volkswagen.

Réagissant au nom du gouvernement Trudeau, la ministre des Finances Chrystia Freeland a indiqué que cet investissement dans Volkswagen fait partie du dernier budget qu’elle a déposé en mars.

« Je veux assurer tous les Canadiens et Canadiennes que notre investissement dans Volkswagen était fait avant le budget. Tous les détails de cet investissement sont inclus dans le budget et les chiffres ont été publiés dans le budget », a-t-elle simplement indiqué. Elle a dit vouloir passer au peigne fin le rapport du DPB avant de formuler plus de commentaires.

De l’incompétence, dit Pierre Poilievre

Mais le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a affirmé mercredi matin que les conclusions du DPB démontrent que le gouvernement Trudeau est incapable de mener à bien de grands projets sans perdre le contrôle des dépenses. Il a donné en exemple les coûts de construction de l’oléoduc Trans Mountain, qui ont explosé au cours des quatre dernières années, passant d’un coût initial de 7 milliards de dollars à environ 31 milliards de dollars.

« C’est de l’incompétence », a martelé M. Poilievre avant la réunion hebdomadaire du caucus conservateur. M. Poilievre avait déjà émis des réserves au sujet de l’investissement fédéral pour convaincre Volkswagen d’installer son usine à St. Thomas.