Un front commun pancanadien, parmi lequel on retrouve Bombardier et d’autres entreprises québécoises, interpelle le premier ministre Justin Trudeau dans le dossier du remplacement d’avions de surveillance. L’absence d’un appel d’offres « freinerait inutilement » les avancées technologiques développées ici, plaident-ils dans une lettre obtenue par La Presse.

Dans leur missive, ces 16 signataires ne cachent pas leur inquiétude de voir ce contrat milliardaire visant à remplacer les Aurora CP-140 vieillissants de l’Aviation royale canadienne être attribué de gré à gré. Tout indique que Boeing raflerait l’entente.

« Cela freinera inutilement la croissance et l’innovation dans les secteurs canadiens de l’aéronautique et de la défense, lesquels sont réputés dans le monde », écrivent-ils, en réclamant au passage une rencontre avec M. Trudeau.

En plus de Bombardier, la filiale canadienne de General Dynamics – qui a décidé de faire équipe avec la multinationale québécoise dans ce dossier – figure parmi les signataires. En plus de l’avionneur, on retrouve le nom de six autres entreprises québécoises au bas de la lettre : DCM Group, On Board Data Systems, Atlas Aeronautik, Kinnear Rembourrage, Plastiques Flexibulb et Les Industries Sidtor. Les autres sont établies en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique ainsi qu’à Terre-Neuve-et-Labrador.

Ces entreprises font partie de la chaîne d’approvisionnement canadienne de l’aéronautique et de la défense. Le front commun pancanadien ne s’attaque pas directement à Boeing, mais plutôt à l’absence d’engagement du gouvernement Trudeau à opter pour un appel d’offres pour remplacer les vieux CP-140.

Joute politique

Le remplacement des CP-140, un contrat potentiel de 9 milliards, a pris une tournure politique. Le ministère de la Défense privilégie le Poseidon P-8A de Boeing – qui s’apparente à la famille d’avions commerciaux 737 et qui peut lancer des torpilles –, identifié comme l’unique appareil pouvant répondre aux exigences canadiennes.

Bombardier, qui souhaite accroître son exposition au secteur militaire, réclame un appel d’offres pour avoir une chance de promouvoir une version modifiée du jet privé Global 6500.

Cet avion d’affaires serait équipé des systèmes de General Dynamics et aurait la capacité de réaliser des missions de surveillance et de lutte anti-sous-marine en lançant des torpilles.

ILLUSTRATION FOURNIE PAR BOMBARDIER

L’avion proposé par Bombardier et General Dynamics est un Global 6500 capable de lancer des missiles anti-sous-marins.

« Un appel d’offres ouvert à diverses propositions serait l’occasion pour le Canada de repenser ses capacités de surveillance, fait valoir la lettre. Les solutions construites au Canada devraient, et doivent être considérées sur un pied d’égalité avec celles construites à l’étranger. »

Il n’y a pas que M. Trudeau qui soit interpellé par ce front commun. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, et ses collègues Anita Anand (Défense nationale), François-Philippe Champagne (Innovation, Sciences et Industrie) ainsi que Helena Jaczek (Services publics et Approvisionnement) sont aussi visés.

Course aux retombées

Dans le secteur de la défense, Bombardier compte déjà parmi ses clients des pays comme les États-Unis et l’Allemagne, qui se sont tournés vers ses produits pour des missions de surveillance. Ses avions Global sont assemblés en Ontario et convertis à Wichita, dans l’État du Kansas.

Le Poseidon de Boeing est assemblé aux États-Unis, mais des entreprises enracinées dans le marché canadien, comme CAE, GE Aviation Canada ainsi que Pratt & Whitney Canada, sont des fournisseurs de cet appareil militaire.

L’avionneur américain a déjà laissé entendre qu’il pourrait cesser la production du P-8A après 2025 s’il n’obtient pas suffisamment de nouvelles commandes.

Il y a encore des questions qui entourent le partenariat annoncé par Bombardier et General Dynamics, propriétaire de Gulfstream – une rivale de l’entreprise québécoise dans le créneau de l’aviation d’affaires. On ignore le montant de la facture pour développer une version du Global 6500 qui serait en mesure d’effectuer la même besogne que les CP-140.

Les deux partenaires en diront davantage le 31 mai prochain dans le cadre du salon militaire CANSEC, le rendez-vous du secteur de la défense qui a lieu annuellement à Ottawa.

Lisez « Remplacement d’avions de surveillance : des questions sur l’alliance de Bombardier »
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    Nombre d’appareils construits par Bombardier appartenant au gouvernement canadien. Il s’agit de Challenger 650 et de Challenger 604.
    Source : BOMBARDIER