La grand-messe de l’aéronautique à Paris le mois prochain pourrait inciter Airbus à faire entrer l’A220 dans le créneau le plus lucratif du marché de l’aviation commerciale. Bank of America croit que l’avionneur pourrait présenter une version allongée de l’ancienne C Series de Bombardier – un projet milliardaire.

Évoqué dans un rapport émanant de la deuxième banque en importance aux États-Unis, ce scénario table sur d’importantes modifications, puisqu’il évoque un investissement potentiel de 5 milliards d’euros (7,3 milliards CAN). Benjamin Heelan et son équipe évoquent l’ajout d’un deuxième choix de moteur à celui de Pratt & Whitney, l’unique fournisseur pour les modèles existants. Des modifications pourraient aussi être apportées à l’aile de l’appareil, selon le rapport.

« Nous estimons que cette décision est raisonnable compte tenu du potentiel de remplacement de l’A320 sur le marché », écrivent les analystes de Bank of America.

Il n’a pas été possible, mercredi, de s’entretenir avec les analystes de l’institution financière. Si leurs prévisions se matérialisent, l’A220-500 pourrait entrer en service vers 2028.

En transportant de 180 à 190 passagers, un modèle plus spacieux de l’A220 entrerait directement en concurrence avec l’A320 d’Airbus – un avion monocouloir plus – ainsi qu’avec le Boeing 737 Max 8, l’une des vaches à lait du géant américain. L’an dernier, environ 40 % des commandes nettes enregistrées par Airbus concernaient la famille A320. Chez son grand rival, les modèles 737 Max représentaient plus de 70 % des contrats nets.

Des clients de l’A220, comme Air France, ont publiquement plaidé pour un modèle allongé de l’avion. Airbus répète que cela n’est pas une question de « si », mais de « quand », en rappelant que rien n’est imminent. Après avoir pris connaissance du rapport de Bank of America, mercredi, la multinationale de Toulouse a réitéré le même message.

« Ce n’est pas l’une de nos priorités aujourd’hui, affirme l’entreprise, dans une déclaration. Nous sommes entièrement concentrés sur ce que nous avons déjà, c’est-à-dire l’A220-100, l’A220-300 et sur l’accélération de cadence de production. »

Toujours déficitaire, l’appareil, détenu par l’État québécois à hauteur de 25 %, est au cœur d’une phase d’accélération de la production, essentielle à l’atteinte de la rentabilité. On espère pouvoir voir mensuellement 14 avions sortir des usines de Mirabel et Mobile, en Alabama, vers 2025.

Gros changements

Richard Aboulafia, directeur général de la firme AeroDynamics Advisory, estime qu’il serait logique de voir Airbus annoncer ses couleurs lors du Salon du Bourget, à Paris. L’analyste américain ne table toutefois pas sur des modifications aussi ambitieuses que celles évoquées par Bank of America.

« À 5 milliards d’euros, c’est plus ambitieux que je ne l’imaginais, dit M. Aboulafia. C’est une bonne équipe d’analystes, ils n’auraient pas publié ce rapport sans avoir de bonnes informations sur le sujet. On parle d’un dérivé majeur, comme un nouveau moteur, pas de retouches mineures. C’est difficile de savoir à ce stade-ci. »

Québec avait annoncé une injection de 1,3 milliard dans la C Series en 2015, lorsque le programme appartenait à Bombardier, dont les finances se fragilisaient. À l’hiver 2022, le gouvernement Legault avait consenti à remettre 380 millions dans le cadre d’un appel de capitaux où Airbus a allongé 1,1 milliard. L’opération visait à financer l’augmentation de la cadence de production.

La conception d’un nouveau modèle de l’A220 s’accompagne de plusieurs questions. Pour conserver sa participation de 25 %, Québec pourrait avoir à sortir le chéquier une fois de plus. Cependant, les deux actionnaires du programme ne seraient pas les seuls à se partager la facture évoquée par Bank of America. Par exemple, les coûts entourant le développement d’un nouveau type de moteur pour équiper l’A220-500 seraient en partie assumés par le constructeur.

Conscient du débat politique qui entoure l’aide gouvernementale consentie à l’A220 depuis ses débuts, M. Aboulafia croit que le jeu risque d’en valoir la chandelle pour l’État québécois si de nouvelles sommes sont nécessaires.

« Il y a dix ans, les risques étaient énormes, affirme l’analyste. Cela a presque tourné au désastre. Mais ici, on débourserait une somme d’argent en contrepartie d’un rendement potentiellement élevé. C’est peut-être plus facile à expliquer. »

Airbus peut racheter la participation de 25 % du gouvernement québécois dans l’A220 en 2030.

L’A220 en bref :

Versions : A220-100 (130/135 sièges) et A220-300 (120/160 sièges)

Prix catalogues : 81 millions US (A220-100) et 91,5 millions US (A220-300)

Chaînes d’assemblage : Mirabel (Laurentides) et Mobile (Alabama)

Employés au Québec : environ 3000

Carnet de commandes : plus de 530

En savoir plus
  • 1,7 milliard
    Somme injectée dans l’A220 par l’État québécois depuis 2015
    source : gouvernement du québec