Détenteur d’un doctorat en nanotechnologies de l’Université de Barcelone, Soroush Nazarpour est venu au Québec en 2010 à l’invitation de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) pour réaliser des travaux postdoctoraux. Il a fondé l’année suivante NanoXplore, qui est aujourd’hui le premier producteur mondial de graphène, le plus avancé des nanomatériaux qui est déjà utilisé par plusieurs industries engagées dans la transition énergétique.

C’est parce que sa femme souhaitait aller vivre en Amérique du Nord dans une communauté francophone que Soroush Nazarpour a accepté l’offre de l’INRS de Varennes pour venir y faire des études postdoctorales en nanotechnologies.

« En 2010, deux chercheurs de l’Université de Manchester ont obtenu le prix Nobel de physique pour avoir découvert le graphène, un cristal de carbone bidimensionnel. Tous les autres matériaux ont une structure tridimensionnelle.

« Le graphène est unique et a des propriétés uniques. C’est le matériau qui est le plus léger, qui a la plus grande conductibilité – plus que le cuivre – et il est 300 fois plus fort que l’acier », m’explique Soroush Nazarpour.

Ces attributs uniques du graphène qui lui permettent de renforcer les plastiques et les matériaux composites tout en réduisant leur poids ont poussé le chercheur à vouloir produire de la poudre de graphène sur une grande échelle.

Il faut exfolier le graphène du graphite, en prendre une couche à la fois comme on détache les pages d’un livre. On a développé une technologie brevetée qui nous permet de faire de la poudre de graphène à grand volume et à faible coût.

Soroush Nazarpour, PDG de NanoXplore

En 2011, il met sur pied un laboratoire de recherche pour faire des tests sur des matériaux pour différentes entreprises et développe en parallèle sa technologie. Un premier financement de 700 000 $ est réalisé en 2014, puis un autre de 2,5 millions en 2015 qui sera suivi par un financement public de 10 millions sur la Bourse de croissance de Toronto en 2017.

NanoXplore arrive alors à produire 25 tonnes de graphène par année avant d’implanter en 2020 sa technologie dans une nouvelle usine de Saint-Laurent capable de produire sur une base industrielle 4000 tonnes de graphène par année.

« On a obtenu toutes les certifications pour la santé et pour les différentes applications industrielles. On a créé le marché et aujourd’hui, on est le principal producteur avec 40 % du marché mondial », souligne le PDG.

« Depuis notre entrée en Bourse, on a récolté par financements privés plus de 150 millions. La Caisse de dépôt et placement du Québec, Investissement Québec, la BDC ont pris chacun une participation de 8 %, Fidelity, 6 % et Martinrea, le troisième plus gros fabricant de pièces d’autos au monde, a pris 23 %. J’ai gardé une participation de 8 % dans NanoXplore », précise Soroush Nazarpour.

L’entreprise prévoit réaliser des revenus de 120 millions pour l’exercice en cours et générer des profits d’opération dès la prochaine année.

Neuf usines de transformation et une de batteries

NanoXplore ne fait pas que produire du graphène, elle le transforme aussi en matériaux composites pour ses différents clients. Elle a acquis quatre usines en Beauce, à Saint-Éphrem et Sainte-Clothilde, qui produisent des plastiques et des composites renforcés par du graphène.

« Ford est un gros client. Ils se servent de nos matériaux pour fabriquer une partie du capot de leurs voitures et pour les lignes de freins et d’essence.

« Nos plus gros clients sont Paccar et Volvo. On fait même des pièces entières pour Paccar avec nos propres moules. On peut faire des surfaces de qualité A qui sont 25 % moins épaisses. Paccar utilise nos matériaux composites pour faire tout le devant de leurs camions, capots, cabines, pare-chocs… », énumère le PDG.

Outre ses quatre usines de transformation au Québec, NanoXplore en possède deux à Winnipeg, où elle fabrique des composantes d’éoliennes pour General Electric, une en Caroline du Nord pour Volvo et Caterpillar, une en Ontario et enfin une à Genève où elle fabrique des pièces de haute précision qui servent autant à l’horlogerie de pointe qu’aux moteurs de F1 !

L’autre vecteur de croissance que développe NanoXplore est celui des batteries lithium-ion pour véhicules électriques. L’entreprise a construit une usine-pilote à Dollard-des-Ormeaux pour sa division VoltaXplore d’une capacité de 1 mégawattheure.

Avec le graphène, les batteries lithium-ion sont beaucoup plus performantes avec une plus grande capacité et plus grande rapidité de chargement. On va construire prochainement une nouvelle usine d’une capacité de 2 mégawattheures, capable de fabriquer 15 millions de batteries, soit l’équivalent de 50 000 véhicules.

Soroush Nazarpour

On est loin des 90 mégawattheures que va construire Volkswagen en Ontario, mais les batteries de VoltaXplore visent le marché de la haute performance comme les voitures super haut de gamme ou les camions et autobus.

Pour soutenir tous ces développements, l’entreprise de Saint-Laurent prépare la construction d’une usine de graphène dans la couronne nord de Montréal capable de fabriquer 16 000 tonnes de graphène additionnelles par année.

« Présentement, on transforme plus de 70 % de notre poudre de graphène dans nos usines de matériaux composites, mais l’industrie commence à vouloir fabriquer elle-même ses pièces dans leurs installations. On va donc continuer de transformer tout en produisant plus de graphène pur », explique Soroush Nazarpour.

NanoXplore s’approvisionne en graphite auprès de la société Northern Graphite, mais comme son gisement de Lac-des-Îles est sur ses derniers milles, l’entreprise pourrait faire affaire avec la société Nouveau Monde Graphite.

« Les gens du gouvernement souhaiteraient qu’on investisse dans l’exploitation de gisements de graphite, mais là, ce serait trop. On n’a pas besoin d’être davantage intégré », souligne le PDG.

Comment un scientifique comme lui a-t-il fait pour assurer la cohésion de tous ces développements simultanés en si peu d’années ?

Originaire de l’Iran, Soroush Nazarpour est né et a grandi à Téhéran avant d’aller faire ses études postuniversitaires en Espagne, mais il a lancé sa première entreprise à 14 ans et il en a eu plusieurs qui n’étaient pas toujours liées aux technologies.

« J’ai toujours fait des affaires, c’est dans mon ADN. J’ai parlé à plusieurs occasions au ministre Fitzgibbon et il me dit tout le temps que je suis le candidat type à l’immigration qu’il souhaite pour le Québec », relate en souriant le fondateur de NanoXplore.