Cette semaine, Annie Bouthillette, directrice principale des relations institutionnelles à l’École de technologie supérieure (ETS), répond à nos questions sur le leadership.

Quel style de gestion adoptez-vous pour mener vos projets ? Est-ce qu’il a changé au fil de vos différentes expériences, notamment pour le déploiement de la marque Helix, le lancement de nouvelles lignes d’affaires chez Énergir et l’implantation des équipes de communication en régions à Radio-Canada ?

À mes débuts comme gestionnaire, je pensais que seuls mon enthousiasme et ma volonté pouvaient motiver les troupes. Ce n’est pas si simple. Je crois profondément qu’un leader n’est rien sans une équipe solide, prête à soulever des montagnes avec lui. Plus le projet est complexe et ambitieux, plus il faut établir une confiance mutuelle et valoriser l’apport de chacun dans le projet. Je donne toujours à mon équipe le droit à l’erreur, mais surtout la possibilité d’être audacieux. Faire preuve de créativité, se poser les bonnes questions, considérer les choses sous un autre angle sans gérer par la contrainte, c’est ce qui permet à toute équipe de démontrer sa valeur. En ajoutant ces principes à mon enthousiasme, j’ai réalisé que comme leader, cela permettait d’élever le jeu, le mien et celui de mes collaborateurs, et de réaliser de grandes choses pour l’organisation.

Comment repense-t-on la responsabilité sociale d’une organisation ? Est-ce un processus complexe ou plus simple qu’on ne le croit en 2023 ?

Avec la notion d’expérience client, on a appris à développer une offre en fonction des besoins des clients et à leur demander leur avis. Cela a créé une véritable révolution sur les produits et la manière de les vendre. Aujourd’hui, ça ne suffit plus. Vous parlez de processus, je vous parlerais plutôt d’engagement. Un engagement clair en RSE, en responsabilité sociétale des entreprises, sera ni plus ni moins qu’un gage de pérennité pour une organisation. À l’ETS, c’est ce que nos étudiants attendent de nous. Le rôle du leader est donc fondamental, car il doit être convaincu que c’est la bonne chose à faire. Faire des choix selon ses convictions, malgré les vents de face, et les faire résonner dans toute l’organisation.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Annie Bouthillette, directrice principale des relations institutionnelles à l’École de technologie supérieure

Vous êtes responsable des relations, de la réputation et de la notoriété de l’ETS. Peut-on veiller à la réputation d’une organisation ou d’une entreprise sans s’aventurer sur la voie du camouflage ou du « contrôle de dommages » ?

Ma carrière m’a permis de comprendre l’importance de la perception au-delà des faits et de prendre en compte l’ensemble des points de vue. Cette approche-là nous amène inévitablement sur la voie de la rigueur. J’ai la chance d’évoluer dans le milieu universitaire, où la rigueur est non seulement enseignée, mais où nous disposons d’instances et de processus clairs pour préserver le bien-être de notre communauté. En matière de notoriété, on dit, à raison, que l’ETS est un secret trop bien gardé. Mais nos efforts pour nous faire connaître portent leurs fruits et nous poursuivrons en ce sens afin d’attirer plus de talents et des projets de recherche d’envergure pour mieux remplir notre mission, soit contribuer au développement économique et technologique du Québec.

Pour atteindre l’équité hommes-femmes dans les organisations, plusieurs affirment que tout commence à l’école, quand les filles étudient dans des domaines à prédominance masculine. Qu’en pensez-vous ?

Choisir d’intégrer un domaine à prédominance masculine est déjà une affirmation de soi, une résultante, je dirais. Les jeunes filles doivent d’abord se sentir légitimées de faire des choix selon leurs envies, de reconnaître leurs forces. Cette confiance s’acquiert très jeune en côtoyant des modèles féminins inspirants et au contact d’une société qui les valorise. Lise Watier, une grande féministe qui a tracé la voie pour les femmes d’affaires d’aujourd’hui, disait justement, à titre d’exemple, que les femmes postulent pour des emplois où elles répondent à plus de 80 % des critères d’embauche, alors que les hommes postulent avec seulement 60 %. Des jeunes filles plus confiantes deviendront des femmes qui briseront les derniers plafonds de verre. Et même s’ils sont fondamentaux aujourd’hui, j’espère qu’un jour, nous n’aurons plus à établir de quotas ou de règles, et qu’on parlera seulement de compétences, d’ambition et d’efforts.

Le défi dans l’industrie de l’ingénierie et à l’ETS est d’attirer plus de jeunes femmes. Quels sont les efforts qui donnent le plus de résultats ?

Il faut faire plus de place aux sciences dès le primaire et au secondaire. Il faut dès lors démontrer la valeur des technologies et des sciences dans notre société. Les jeunes filles nous disent qu’elles ont besoin d’embrasser une carrière où elles se sentiront utiles pour la société. Elles veulent avoir un impact bénéfique direct. Or, l’image qu’elles ont du génie et des sciences est trop abstraite. L’ETS travaille en ce sens et souhaite voir une place grandissante de la science et des technologies dans le système scolaire. C’est donc notre rôle comme société, et qui plus est, comme établissement d’enseignement, de favoriser l’éveil aux sciences par des activités où elles découvriront des modèles inspirants, ainsi qu’un avant-goût du métier d’ingénieur. Elles doivent comprendre que comme ingénieures, elles feront une différence. Pensons aux technologies de la santé ou pour l’environnement ! Et cette approche fonctionne. Nous augmentons annuellement le nombre d’étudiantes qui foulent le campus.