(Londres) Le ministre britannique des Finances Jeremy Hunt a critiqué les « distorsions » du marché causées par les subventions américaines massives aux énergies vertes, mais les annonces de Londres sur sa propre stratégie énergétique et environnementale, qui repoussent à l’automne de nouveaux financements, sont loin de convaincre.

« Transformer notre système énergétique ne consiste plus seulement à lutter contre le changement climatique, c’est aussi une question de sécurité nationale », a assuré M. Hunt jeudi dans une tribune publiée par le quotidien The Times, pointant aussi du doigt les « menaces de protectionnisme » dans l’économie mondiale.

La flambée des prix des hydrocarbures dans la foulée de la guerre en Ukraine a particulièrement frappé le Royaume-Uni, très dépendant du gaz.

M. Hunt avait assuré mercredi devant les députés britanniques que le gouvernement étudiait de possibles mesures pour aider le pays à rester « compétitif », mais qu’il faudrait attendre la présentation budgétaire d’automne pour en connaître le détail.

« Nous n’allons pas affronter nos amis et alliés dans une course mondiale aux subventions », qui génèrent une « distorsion » du marché, a-t-il affirmé jeudi, alors que le plan climat du président américain Joe Biden et ses milliards de dollars pour attirer les entreprises inquiète en Europe.

Le Chancelier de l’Échiquier précise que le Royaume-Uni préférera « cibler les financements publics de manière stratégique dans les domaines où le Royaume-Uni dispose d’un net avantage concurrentiel ».

Recyclage

En attendant le détail de ces financements à l’automne, avec en ligne de mire la neutralité carbone en 2050 à laquelle le pays s’est engagé, les annonces faites par le gouvernement jeudi ont déçu opposition comme ONG environnementales, qui accusent notamment l’exécutif de recyclage de mesures déjà publiques.

« Ces annonces sont surtout remarquables pour leurs omissions flagrantes » sur l’éolien terrestre, l’isolation des habitations ou la réponse au plan climat de Washington, a dénoncé le député de l’opposition travailliste chargé des questions énergétiques Ed Miliband.

Le gouvernement a notamment remis l’accent jeudi sur un certain nombre de mesures déjà annoncées, comme un investissement de 20 milliards de livres sur 20 ans dans la capture de carbone et sa volonté d’accélérer le développement du nucléaire et des énergies renouvelables.

« Ces annonces fragmentaires, réchauffées et déroutantes ne sont tout simplement pas suffisantes pour lutter efficacement contre le changement climatique ou pour fournir une énergie sûre et abordable aux ménages », a dénoncé Greenpeace dans un communiqué.

« Ces plans semblent boiteux, sans enthousiasme et manquent dangereusement d’ambition », a taclé de son côté Friends of the Earth.

L’ONG dit qu’elle passera au peigne fin les annonces sur la stratégie de neutralité carbone du gouvernement et pourrait agir en justice « si les ministres ont encore une fois échoué ».

Investissement privé

« L’investissement privé sera crucial pour atteindre l’objectif de neutralité carbone » qui nécessitera des investissements supplémentaires « de 50 à 60 milliards de livres d’ici la fin des années 2020 et les années 2030 », a reconnu le gouvernement dans un document, lui aussi publié jeudi, sur sa stratégie de finance verte.

Londres y affirme notamment que la transition est « une opportunité de croissance pour le Royaume-Uni ».

Mais si le gouvernement « a saisi l’ampleur du défi climatique avec un plan d’envergure pour stimuler la production d’énergie verte », il « ne doit pas oublier les entreprises » qui verront leurs dépenses s’envoler pour remplir les objectifs de diminution de consommation d’énergie, préviennent les Chambres de Commerces britanniques.

Londres a aussi lancé jeudi des consultations dans plusieurs domaines (véhicules zéro émission, accélération des projets d’énergie renouvelable, taxe carbone) et annoncé de premiers projets soutenus, notamment, dans le domaine de la capture de carbone.

La compagnie d’électricité Drax, dont le recours à la biomasse pour verdir sa production est critiqué, ne fait pas partie de ces premiers lauréats, mais dit avoir « été invitée à entamer immédiatement des discussions » avec le gouvernement.  

Après avoir d’abord reculé, le cours de son action rebondissait fortement jeudi (+6,09 % à 609,50 pence vers 11 h 25 heure de l’Est).

Un rapport du Climate Change Committee (CCC), organisme chargé de conseiller le gouvernement sur sa stratégie climatique, affirmait de son côté mercredi que malgré des conséquences déjà bien visibles, le Royaume-Uni n’a pas fait d’efforts suffisants pour préparer le pays à s’adapter au réchauffement.