Il y a une certitude à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) depuis la débâcle de Celsius Network : les cryptomonnaies, c’est terminé. Le responsable de cet investissement de 200 millions qui s’est évaporé en moins d’un an ne travaille plus pour le bas de laine des Québécois.

Une requête alléguant des « représentations fausses et trompeuses » a par ailleurs été déposée dans le cadre des procédures de faillite de la cryptobanque controversée, a fait savoir le président et chef de la direction de la Caisse, Charles Emond, jeudi, en marge de la présentation des résultats annuels de l’institution.

« On n’en fera plus », a-t-il laissé tomber, lorsqu’on l’a invité à dire de quelle façon la CDPQ se comporterait dans la cadre d’un autre pari dans le secteur des monnaies virtuelles.

Celsius Network a été éclaboussée à plusieurs reprises depuis qu’elle s’est placée sous la protection de la loi américaine sur les faillites. Son fondateur et ex-grand patron, Alex Mashinsky, est visé par une plainte civile émanant de la justice new-yorkaise, qui reproche à l’entrepreneur d’avoir multiplié les fausses déclarations en plus de tromper ses clients.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE CELSIUS NETWORK

Alex Mashinsky, fondateur de Celsius Network

Puis, à la fin janvier, un rapport commandé par le juge américain qui supervise les procédures de faillite en a ajouté une couche, en plus de soulever de nouvelles questions sur la faiblesse des vérifications au préalable menées par la CDPQ. Le document comportait plusieurs mentions d’arnaque à la Ponzi et révélait que Celsius effectuait sa tenue de comptes avec QuickBooks, un logiciel de comptabilité qui s’adresse essentiellement aux petites et moyennes entreprises.

COMMENT FONCTIONNAIT CELSIUS NETWORK ?

Elle mettait en commun les dépôts de cryptomonnaies, comme le bitcoin. On offrait aux déposants des intérêts qui pouvaient parfois atteindre 17 %. Le plongeon des monnaies virtuelles en 2022 a précipité la cryptobanque dans une crise des liquidités. Elle a gelé les retraits de ses déposants avant de se placer à l’abri de ses créanciers, le 14 juillet dernier.

Démission

En conférence de presse, M. Emond a révélé qu’Alexandre Synnett, qui était vice-président aux placements privés et aux technologies, avait quitté le navire il y a environ deux semaines.

Il a décidé de partir, a dit le grand patron de la CDPQ. « Il a remis sa démission, ce qu’on respecte. »

Au moment de l’annonce de l’investissement, à l’automne 2021, le principal intéressé ne relevait pas du secteur des placements privés. Des changements ont par la suite été apportés. On a par ailleurs appris que M. Synnett gérait un portefeuille qui oscillait aux alentours de 7 milliards, selon les explications offertes par M. Emond. La portion concernant le capital de risque atteint près de 2 milliards. Cela laisse entendre que la déconfiture de Celsius représentait 10 % de cette enveloppe.

La Caisse a une fois de plus défendu sa vérification au préalable.

« Pendant six mois […], il y a eu des experts en cryptomonnaies des États-Unis, une quinzaine de personnes qui étaient là-dessus, a dit le dirigeant de l’institution. Ce que je tiens à dire, c’est qu’il y a eu une vérification [au préalable] qui a été faite. »

Après avoir laissé entendre qu’elle pourrait opter pour des recours judiciaires l’été dernier, la CDPQ est passée de la parole aux actes. Elle a déposé une réclamation dans l’espoir de récupérer une somme non précisée dans les documents judiciaires consultés par La Presse.

« Nous avions investi au niveau de l’entité où il n’y avait pas de dettes, a dit M. Emond. Il y a aussi eu des représentations fausses et trompeuses sur la situation financière de l’entreprise. »

D’après le rapport publié en janvier dernier par l’ancienne procureure fédérale Shoba Pillay, Celsius était essentiellement insolvable depuis sa fondation, en 2017.

Lisez Le travail de la CDPQ suscite de nouvelles questions.
En savoir plus
  • 1,27 million
    Salaire d’Alexandre Synnett – responsable de l’investissement dans Celsius – en 2021. Cela tient compte d’une prime de 900 000 $.
    Source : Caisse de dépôt et placement du Québec